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Festivals : Faits d’hiver fête ses vingt ans !

Huit créations et dix lieux marquent une édition très fournie qui interroge le rapport au temps et à l’autre.

Vingt ans ! Christophe Martin, fondateur du festival Faits d’hiver, avoue volontiers avoir ressenti un choc au moment de réaliser la dimension du temps parcouru. Pour échapper à une midlife-crisis professionnelle (ou personnelle), il préfère regarder - et surtout aller - de l’avant. Et de déclarer: « Nous avons donc 20 ans. Eh bien soit ! Mais nous ne commémorons pas. » Et pourtant, quelque chose s’est glissé dans cette 20e édition qui la lie au temps. Au temps qui passe, au temps qui s’étend ou se contracte…

Lignes d’hiver

20 ans ! Il faut de la volonté pour traverser deux décennies sans disparaître. Il faut savoir durer sans s’endurcir, il faut savoir profiter de ce temps pour devenir soi-même une tradition. Ce n’est pas pour rien que le festival se réclame de la plus ancienne des traditions : L’hiver. Particulièrement exigeante, cette saison demande de la philosophie à l’entrée et de l’endurance pour pourvoir en sortir. C’est un temps où il faut savoir regarder en arrière et en avant, en même temps. La danse, avec son ouverture, y aide beaucoup.

Songlines de Joanne Leighton, artiste phare de cette édition, est une tentative de courber le temps. Car voilà : Un certain temps après que s’est formé et installé le phénomène climatique hivernal, avec toute sa rigueur (nourrissant les imaginaires plus richement que les corps), sont apparus les Aborigènes d’Australie, se réclamant d’une belle fraternité avec l’intemporalité. Joanne Leighton leur consacre aujourd‘hui sa création Songlines, pièce pour six interprètes, imaginée pour rendre hommage à un peuple qui passe par la marche à pied pour écrire sa culture et son histoire. Marcher, c’est chanter. Les lignes qu’on dessine au sol en marchant sont donc les Songlines. Dans la vision de Leighton, ces lignes paradoxalement éphémères se dessinent sur un sol blanc comme neige.

Tarantelle en monuments

Arthur Pérole, « jeune artiste » que Faits d’Hiver entend accompagner un bout de temps pas trop éphémère, aura la lourde tâche de fournir un événement de clôture digne d’une édition qui fera date. Sa création Fool d’Hiver part de la Tarantelle, danse traditionnelle du sud italien, propice à la transe collective et chargée de connotations sexuelles et chamaniques. Et le public sera invité à participer activement, au cœur de l’un des monuments historiques de Paris : La Conciergerie, lieu ayant traversée une petite série de siècles, tout comme la Tarantelle. Fool d’Hiver bénéficie des bons liens entre Faits d’hiver et Monuments en Mouvement, initiative qui confronte l’éphémère de la danse à la longévité de la vieille pierre.

En vingt ans, Faits d’hiver n’a jamais cessé de chercher les avancées. En ce moment, Christophe Martin se bat pour pouvoir présenter des spectacles sur des séries dépassant les deux soirées consécutives, plafond d’hiver habituel du festival. Pourquoi pas plus ? Cinq au Théâtre de la Bastille pour Lisbeth Gruwez et son intrigant duo We’re pretty fuckin’ far from okay (et c’est bien un pétant fuckin’ dans le titre et pas l’euphémisme de funkin’, souvent utilisé pour une communication plus printanière). Et carrément huit représentations au Tarmac, pour la création de Négotiation, duo d’Olé Khamchanla et Pichet Klunchun.

20 ans, ça se fête

Mais il y a une autre manière de faire durer le plaisir. A savoir, présenter en une seule journée une performance solo de quatre heures (Sur l’interprétation - titre de l’instant de Yaïr Barelli) et un « Dispositif festif interactif » qui invite à danser (ou faire ce qu’on veut) jusqu’au passage du premier métro du matin. Il est question du Discontrol Party conçu par Samuel Bianchini. Où les teuffeurs relèveront le défi de perturber activement un système de vidéosurveillance pour le mettre en échec. Cette opération festive, ludique et subversive est animée par des DJ ou performers, pour faire de cette nuit un événement digne de fêter un 20e anniversaire.

Certes, il n’y aura pas d’édition commémorative. On l’a dit. Mais édition, il y a. Un livre pour les vingt ans du festival, sans trop se prendre au sérieux, avec une manière bien singulière de retracer deux décennies (1).  Après, on peut marquer deux décennies passées (ou un peu plus) en créant un spectacle, comme le fait Lionel Hoche avec samedicarrément, où il convoque quelques folies du temps de son adolescence et se souvient d’une « période des grands travaux d’un Paris en transformation... » Le temps serait-il cyclique pour de vrai ?

Parcours et transmission

Faits d’hiver en tout cas, revient chaque année. Mais un fait diffère de la théorie du temps cyclique. C’est la nécessité de transmettre.  Aussi Blitz – 9000 Pièces de Joanne Leighton, présenté en ouverture de Faits d’hiver, inclut un regard sur les méthodes de la transmission: Oralité, vidéo, notation, actions… A travers des pièces courtes de quatre chorégraphes différents, ce Blitz, en soi un « festival de la micro-performance »,demande donc comment on arrive à faire en sorte que la danse soit hors du temps et reste jeune, alors que ses interprètes prennent de l’âge.

Aussi, quand Yuval Pick reprend trois pièces créées entre 2009 et 2015, il entend bien donner un aperçu de son parcours à travers le temps: « Faits d’hiver et le Théâtre de la Cité Internationale m’ont demandé un programme de trois pièces courtes. J’ai donc proposé trois pièces d’époques différentes où le rapport à l’autre est traité de manières très différentes et peut éclairer mon évolution. Dans PlayBach de 2009 il y comme des atomes, dans des liens fusionnels. Et ça crée des frictions. loom de 2014 est construit sur des face à face, mais on ne se touche pas du tout. L’espace-entre est modulable. eddies est un quatuor créé en 2015 où on ne cesse d’inventer le groupe, en passant dans l’espace de l’autre. »

Thomas Hahn

Faits d’hiver, 20e édition

 Du 13 janvier au 17 février

(1) Paris danses d’auteurs, Nouvelles éditions Scala

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