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Festival Tours d'Horizon 2015: "Danse & Partitions"

À Tours, Thomas Lebrun programme une édition sur les traces du temps

Tour d'Horizons cultive cette année une certaine idée de la racine, à travers un voyage dans les années 1980, côté Etats-Unis. Dans ce que Thomas Lebrun appelle Danse & Partitions, l'idée de partition ne se limite pas à la composition musicale, et celle d'horizon pas à la géographie. L’édition 2015 du festival défend une idée américaine de l'écriture pour le corps, un intérêt pour des univers privilégiant les structures par rapport à la narration. C'est vrai même pour May B de Maguy Marin, si on se réfère à son point de départ, l'écriture beckettienne.

Ca va finir, ça va peut-être finir ? Mais non, au contraire. Comme Beckett le savait bien, "ça" ne finit jamais. May B de Maguy Marin, classique de tous les classiques de la nouvelle danse française, en était en même temps l'antithèse. Mais pourquoi est-ce justement May B qui affiche cette incroyable longévité? Parce que ce sont toujours les œuvres de rupture qui perdurent? Parce que ce dialogue avec la condition humaine  défia les idées sur la danse de son époque, autant que Beckett celles sur le langage écrit? May B est plus intemporel que les pièces ou dramaticules du plus célèbre des Irlandais.

Autre renvoi aux origines, La Danse des éventails d'Andy Degroat. Trente danseurs, amateurs ou en formation, que Thomas Lebrun dirige au sein de l'Atelier chorégraphique du CRR Francis Poulenc de Tours vont donner nouvelle vie à cette vision collective et répétitive du geste, écrite en 1978 à partir de musiques de Philip Glass et créée à New York.

 

Quatre regards sur le temps

Christine Jouve aussi aime revenir sur les débuts. « Les compositeurs minimalistes me ramènent au début de mon parcours avec la danse. En réécoutant Philip Glass, Steve Reich ou John Adams, je suis revisitée par des images prégnantes et lointaines de corps tournoyants et survolant l’espace dans une certaine signature du mouvement. » Le titre de son solo Mes yeux voient à la hauteur de racines en dit long sur l'hiatus entre le titre du festival et celui de son édition 2015. Le solo de Jouve fait partie d'une soirée en quatre parties, intitulée Quatre regards sur le temps.

Sous cet angle de vue, il n'est que conséquent d'y croiser Dans le temps de Guesch Patti, solo qui se veut un hommage au temps qui passe. L'ancienne star de la chanson met beaucoup d'elle-même dans sa danse, beaucoup d'humanité et de musicalité. 

Léonard Rainis, qui propose le troisième solo, annonce une "poésie claire, simple et rigoureuse" pour "une danse pleine et minimale", portée par "la pulsation régulière de la musique minimaliste". Et de Singapour vient, dans le cadre du festival Singapour en France, la chorégraphe Christina Chan avec Between, un trio qui défend lui aussi la flamme de la minimal music.

Alors, faut-il s’étonner si même Marco Berrettini se décide de "renouer avec la tradition abstraite de la danse post-moderne américaine, de travailler seulement à partir du rythme du mouvement"? IFeel2 (Je ressens aussi), duo de Berrettini et Marie-Caroline Hominal, avec sa danse tiraillée entre des mesures à quatre temps et à six temps, explore lui aussi "une structure minimaliste et répétitive" à travers une danse de couple pleine de surprises.

Après une telle plongée dans les univers anglo-saxons, le regard sur le temps ne s'en arrête pas là. Au contraire, la question du temps traversé est omniprésente quand Emmanuel Eggermont interprète, en solo, la sensibilité de Raimund Hoghe pour L'après-midi d'un Faune, œuvre incontournable de Nijinski. La gestuelle d'Eggermont relit celle de Nijinski sous le regard d'Hoghe. Telle une nymphe, le chorégraphe regarde son faune danser.

Analyses musicales

Et quand, dans les années 1980, un(e) chorégraphe voulait se frotter à des notes répétitives, l'histoire de la musique fournissait tout de même le Boléro de Maurice Ravel. Odile Duboc ne s'est pas privée d’en booster davantage la répétitivité, en signant Trois Boléros. Il n'est que logique que le film captant cette création-phare de la chorégraphe de Belfort soit projeté au festival, mettant triplement en avant Chronos, avec le temps musical autant qu’à travers les liens entre l'œuvre du compositeur, celle de Duboc et ce Tour d'Horizons.

Est-ce alors un hasard si on retrouve Maguy Marin, cette fois avec BiT, sa dernière création ? Cette pièce de groupe est influencée par le travail de la compagnie sur la danse grecque et leurs rythmes. Pourtant, le titre ne saurait être plus équivoque, renvoyant autant aux musiques endiablées de la pièce qu'à ce qu'on appelle ailleurs "politics of the body", à savoir l'approche sociétale du corps, notamment concernant la violence et les rapports de pouvoir entre les sexes. Car BiT n'est pas moins politique que les autres pièces de Maguy Marin. Elle ajoute donc son propre regard sur le temps, mettant sa toute dernière création à l'épreuve de May B qui a traversé toute la vie de la compagnie, depuis un quart de siècle.

Vient finalement Emmanuel Gat avec Plage romantique, sa dernière création, toujours aussi fasciné par les structures qui se créent, se déploient et se défont au sein d'un groupe. Gat aussi aime l'analyse musicale, et on sait la qualité de ses interprètes qui travaillent avec lui sur le long terme, ce qui est la condition même de la création d'un vrai langage.

Et pour en finir avec toutes ces approches répétitives, Thomas Lebrun leur oppose l'idée de soirées uniques et partagées. Plusieurs chorégraphes danseront ensemble, accompagnés au piano par Thomas Besnard. Ils danseront De Concert, et il n'est pas interdit de songer ici aux Events de Merce Cunnningham, d'autant plus que ça ne se passera pas dans un théâtre mais au Cloître de la Psalette. Pour cette première édition, Lebrun invite Christine Jouve et Emmanuel Eggermont qui sont déjà sur place, auxquels s'ajoute  Michèle Noiret, la Bruxelloise. Tout sera spontané, même les musiques puisque Besnard, déjà présent dans Lied Ballet, qui laissera libre cours à son imagination à partir d'œuvres de différentes époques de l'histoire musicale.

Thomas Hahn

Tours d'horizons / Danse & Partitions

du 9  au 13  juin

www.ccntours.com

http://www.facebook.com/centrechoregraphiquenationaldetours

 

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