Festival Dance Box : La surprise Suganuma
Découverte d’une chorégraphe contemporaine japonaise transdisciplinaire à l’écriture intrigante.
On ne la connaît pas, en France. Imari Suganumaest Japonaise et travaille entre Londres et Tokyo. Le festival Dance Box lui a consacré une soirée entière, conçue pour fêter le quinzième anniversaire de sa compagnie The Bambiest, autour de deux pièces révélant une griffe très personnelle et une belle maturité. Chez Suganuma, la danse contemporaine, les arts visuels et la mode peuvent s’inspirer mutuellement sans tomber dans les travers du commercial ou du racolage.
Hokusai en haute couture
Curieusement, ce métissage est rare. Alors que les défilés contiennent une matière gestuelle intéressante, alors que la création chorégraphique va chercher son inspiration partout où le corps construit un vocabulaire spécifique, la gestuelle des mannequins n’attire pas (encore) le regard des chorégraphes (sauf par voguing interposé). Mais il suffit parfois de quelques minutes pour imposer une idée. Dance for Hokusai en requiert sept exactement.
Dance for Hokusai s’empare de cet univers pour mieux s’en éloigner, par un dialogue discret et élégant entre la tradition japonaise et la haute couture contemporaine. Ce duo, interprété avec précision, sobriété et une discrète élégance par Minako Suzuki et Mamiko Hosokawa, fut d’abord une œuvre vidéo, conçue pour un label de mode japonais. La chorégraphie et les costumes sont inspirés d’une estampe de Hokusai représentant une danseuse.
Lire, c’est danser
De la haute couture, Suganuma passe au livre, toujours en empruntant les chemins des arts visuels. La seconde pièce, d’une durée de trente minutes, intitulée Floating Words, est un autre duo, créé pour les mêmes interprètes. Nous sommes dans une bibliothèque. L’installation plastique de Ryuta Ida est devenue une œuvre de vidéodanse, ensuite récupérée pour le fond de scène de Floating Words, alors que les deux femmes entrent avec des chariots de livres.
Que fait-on des livres ? Les lire et les ranger, bien sûr, et elles ne s’en privent pas. Mais surtout, on peut les vivre. Loin de donner, par leur danse très gestuelle et mimée, des aperçus narratifs, Suzuki et Hosokawa font danser l’acte de lire, et chorégraphient l’esprit graphique des caractères. Ce n’est pas le monde imaginaire des histoires qui les intéresse, mais l’acte d’y entrer et l’effet produit sur le corps.
Que les musiques évoquent l’Espagne, l’Europe Centrale ou une urbanité futuriste, leur danse est ciselée et imagée tels des caractères d’impression asiatiques. Dans le travail de Suganuma, il n’y a ni butô ni technologies numériques, mais un lien avec la sensualité du quotidien, une idée du toucher et de la mémoire de ce qui fait l’être humain.
Thomas Hahn
Festival Dance Box
Paris, Centre Culturel Tenri
A noter, la création de « Six » par Nathalie Pubellier, du 9 au 21 avril 2017
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