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Entretien Robert Swinston, Claire Rousier

Robert Swinston et ses danseurs présentent, du 23 au 25 septembre à Angers leurs reconstructions de deux pièces de Merce Cunningham, à savoir How to pass, kick, fall and run et Place. Nous avons rencontré le directeur du CNDC d’Angers Robert Swinston et sa directrice adjointe Claire Rousier au festival Le Temps d’Aimer (Biarritz), où Swinston et les danseurs ont présenté un Event composé d’extraits de plusieurs pièces en honneur des 25 ans du festival biarrot.

Danser Canal Historique : Quelles sont les pièces dont vous avez composé l’Event du Temps d’Aimer?

Robert Swinston : Il s’agit de Squaregame de 1976, à l’origine pour treize danseurs ici adapté pour huit, de Cross Currents de 1964, de Points in Space de 1986, pièce assez froide mais sereine. Il y a un trio aux pas rapides de Changing Steps de 1973, un extrait plus long de Scramble de 1967, un autre de Lifting, une pièce faite de portées où les hommes soulèvent les filles. Ensuite Fractions de 1978, une sorte de grand pas de deux, et puis un finale. La musique est jouée live mais retravaillée par l’électronique pour faire  bouger les sonorités. Le décor est inspiré des cerfs-volants de Jackie Matisse Monnier, la petite fille d’Henri Matisse. Il est réalisé par la sœur de Matisse Monnier, avec son autorisation. Il fallait bien sûr adapter ces créations pour en faire un décor de scène.

Claire Rousier : Jackie Matisse a beaucoup collaboré avec Cunningham et c’est pourquoi nous avons eu l’idée d’adapter son univers.

DCH : Allez-vous présenter cet Event ailleurs qu’à Biarritz?

R.S. : Nous allons être à Lyon en novembre, mais cet Event sera différent. Nous allons combiner la moitié du matériau de l’Event de Biarritz avec des parties nouvelles.

DCH : L’idée que j’avais au sujet des Events de Cunningham était qu’ils se déroulent dans des galeries, des musées ou ailleurs, mais pas dans des théâtres.

R.S. : À l’origine oui, et nous continuons à en donner dans des musées. Il y a aussi la possibilité d’investir plusieurs aires de jeu en même temps. Mais avec la Cunningham Company nous avons aussi créé des Event en salle, sur scène. Même à l’Opéra de Paris ! Je voudrais bien entendu créer des Event dans d’autres types d’espace. Il suffit de nous faire des propositions !

DCH : Merce Cunningham n'avait-il pas décrété que sa compagnie serait dissoute deux ans après son décès ? Nous avions vu en cette décision la volonté de ne pas voir ses pièces changer par des interprétations de danseurs ne travaillant plus sous l’œil du maître. Etant donné votre rôle important dans la compagnie et la fondation Cunningham, je ne m'attendais pas à vous voir remonter des pièces disparues.

R.S. : La décision de Merce était liée à la situation financière de la compagnie. Dans les dernières années avant le décès de Merce, tous les revenus de la compagnie résultaient de coproductions et donc de préachats à honorer. C'est pourquoi il a été décidé que la compagnie continuerait de tourner pendant deux ans. De plus, le Merce Cunningham Trust qui continue d'exister ne compte que peu d'employés et n'est pas une structure vouée à la production.

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J’ai eu la possibilité d’aider la compagnie à traverser cette phase de transition. Nos activités ont été fortement réduites et en 2012 nous avons quitté notre studio de la Bethune Street pour nous installer dans les locaux plus petits à City Center, où les bureaux sont intégrés. Mon arrivée au CNDC me donne la possibilité de former des danseurs et de montrer mon propre travail. Cependant, jusqu’ici nous nous concentrons sur les pièces de Merce. J’ai commencé par transmettre aux danseurs du matériau des années 1960 aux années 1990, où le langage chorégraphique était le plus direct. Et beaucoup de ces pièces n’ont pas été vues par le public.

DCH : Avez-vous maintenant un ensemble de danseurs permanents devenant par-là de nouveaux cunninghamiens ?

C.R. : Les danseurs sont intermittents, le CNDC n’ayant pas les moyens de les employer en CDI. Par contre, ils constituent un vrai groupe qui danse les Events.

R.S : Je voudrais sortir de cette mystique qui entoure les danseurs cunninghamiens. Chez nous ils ont le droit d’être eux-mêmes, tout en travaillant sur le matériau de Merce. C’est justement ce qui nous permet de creuser ce répertoire. Mais ils dansent aussi une chorégraphie de moi-même pour jeune public, La Boite à Joujoux. Elle s’appuie sur l’œuvre musicale de Debussy, les dessins d’André Hellé qui l’ont accompagnée et la gestuelle des Ballets Suédois qui ont travaillé sur cette musique en 1920. Mais nous nous éloignons de l’esthétique originale. En juin 2016 je vais créer une pièce pour adultes sur une musique d’Henri Dutillieux. Ce sera une pièce de soixante minutes avec l’Orchestre National des Pays de la Loire.

DCH : Vous parlez d’une mystique, mais en même temps les danseurs n’étaient-ils pas extrêmement importants pour Merce dans l’élaboration et l’affinement permanent de son langage, d’autant plus qu’il allait toujours aux limites du possible ? En ce sens les danseurs n’étaient-ils pas déterminants ?

R.S. : Bien sûr. Cunningham lui-même ne dirait rien d’autre. En même temps, chez nous, tous les danseurs sont différents et arrivent avec des bagages différents. C’est ce qui rend la chose si intéressante. Le travail de Merce est suffisamment neutre pour que tous se retrouvent autour de ce dénominateur commun. Aujourd’hui les danseurs se rendent compte de l’intérêt de ce langage pour eux.

DCH : Qu’est-ce qui distingue les danseurs d’ici de ceux de la Cunningham Company telle qu’elle existait à New York?

R.S. : Ils sont plus émotionnels, ce qui fait apparaître une certaine humanité. Je travaille ici avec leurs personnalités. Ils doivent pouvoir exister avec ce qu’ils amènent naturellement. C’est eux qui dansent. Ils ne sont pas là pour une démonstration. En deux ans leur façon de voir ce travail a beaucoup évolué. Je travaille avec eux sur la biomécanique. Ils arrivent à centrer et aligner le corps plus facilement, avec moins de dépense d’énergie.

DCH : Est-ce à dire que vous allez donner au travail de Cunningham un caractère différent, pour l’ouvrir à un autre regard ?

R.S. : En effet, je le pense.

DCH : Quels changements avez-vous introduits depuis votre arrivée à la direction du CNDC ?

R.S. : Pour moi, il s'agissait en premier lieu de créer une cohérence entre le CNDC et sa base, l'école supérieure. Ensuite, j'ai créé un groupe de danseurs. Nous avons commencé à travailler ensemble fin septembre 2013. Depuis, les danseurs se sont affirmés et ont créé un répertoire.

DCH : L’ Event sera-t-il la forme  de choix pour faire vivre l’univers de Merce Cunningham à l’avenir ?

R.S. : Jusqu'ici nous avons créé des soirées Event, mais je suis aussi en train de remonter des pièces complètes de Cunningham avec eux. Il s'agit de How to pass, kick, fall and run de 1965 et Place, créée en 1966. Place n'a pas été montrée depuis 1971. Ce sera donc presque comme une première qui aura lieu du 23 au 25 septembre à Angers. Pour How to…, il y aura une nouvelle traduction française de Stories from Indeterminacy de John Cage, lue par deux comédiens. Le spectacle sera accompagné d’une exposition sur Cunningham et de projections de films à son sujet.

Propos recueillis par Thomas Hahn

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