Entretien : Frédéric Cellé évoque sa nouvelle création
Le chorégraphe directeur de la compagnie Le grand jeté investit la scène nationale de Mâcon. Il y jouera sa nouvelle création L’Hypothèse la chute le vendredi 15 décembre.
Danser Canal Historique : Vous abordez la chute, cette fatalité qui hante le ballet et qui n’a pas un statut très officiel en danse contemporaine. Pourquoi ?
Frédéric Cellé : La figure de la chute est liée à la condition humaine et traverse l’histoire de l’art. Il est vrai que la danse est surtout un art de l’équilibre et ne possède pas de codes liés à la chute, alors que le cirque défie la gravité et joue avec l’idée de la chute. C’est pourquoi j’ai voulu mélanger les deux. Dans L’Hypothèse de la chute il y a deux danseurs, un danseur-circassiens et deux circassiens.
DCH : Etes-vous parti d’images ou d’idées particulières ?
Frédéric Cellé : J’ai été très inspiré par une série de photos de Denis Darzaq sur la thématique de la chute qui représente des danseurs urbains. On ne sait pas s’ils sont en chute libre ou s’ils sont aspirés par le ciel. Très important aussi, le documentaire suédois Plongeon de Axel Danielson et Maximilien Van Aertryck où des personnes montent sur le plongeoir d’une piscine, à dix mètres du sol. Le film montre leurs gestes et les émotions sur leurs visages pendant qu’ils s’apprêtent à sauter. Comment vaincre la peur, comment la détacher ? Souvent, ceux qui osent le saut sont ceux qui avant l’air le plus effrayé. Ce documentaire m’a donné l’idée de mettre un plongeoir sur scène.
DCH : Que représente la chute elle-même ?
Frédéric Cellé : La chute est certes une perte d’équilibre, voire un accident. Mais c’est aussi le fait de se relever et d’avancer. Elle représente aussi la nécessité de la solidarité. Nous avons travaillé sur l’évitement de la chute et sur la résistance, physique ou émotionnelle. Nous travaillons sur la peur de la chute et comment on dépasse la peur pour aller dans le plaisir de la chute. Ensuite nous interrogeons la chute : Est-elle accidentelle ou volontaire ? Est-ce une libération ? Un lâcher-prise ? Une tension qui s’évanouit ? Un Soulagement ?
DCH : Vous travaillez avec un groupe de cinq interprètes. Se pose alors la question du comportement des autres face à la personne qui chute.
Frédéric Cellé : Dans le groupe il y a toujours une personne qui n’arrive pas à sauter. Les autres sont plutôt solidaires et dans l’écoute. Et cette personne sera finalement acceptée dans le collectif, dans la joie de l’après-chute. Car l’après-chute inclut les autres qui nous aident à nous relever. Nous interrogeons aussi ce rebond : Est-il quelque chose de collectif ou de personnel ? La chute peut aussi être psychique. Une solitude, un isolement suite à une angoisse par rapport à la société.
DCH : La chute peut aussi être drôle, grâce à un effet de répétition, si on pense au film burlesque.
Frédéric Cellé : C’est le thème d’un solo dans la pièce qui met en scène la chute volontaire, non accidentelle mais au contraire ludique et passionnelle. Elle devient vertigineuse et quelque part un peu burlesque, en effet. Ca nous amène vers la fin du spectacle qui se passe dans la joie, dans le plaisir de vivre et d’être ensemble.
DCH : Est-ce finalement un spectacle pessimiste ou optimiste ?
Frédéric Cellé : Les épreuves et la notion de risque prennent une place importante dans le spectacle et nous jouons aussi sur les limites de la prise de risque. D’où la présence des acrobates. La fin est une libération, un lâcher-prise festif dans une ambiance disco. C’est encore une forme de chute, dramaturgique cette fois, et totalement décalé par rapport à tout ce précède. J’avoue que c’est surprenant, mais il y a là tout simplement le plaisir de danser et de vivre. Nous en avons besoin aujourd‘hui. Pourquoi attendre qu’il y ait un événement tragique pour nous rassembler ? Je voudrais aussi remercier Herman Diephuis qui nous a offert son regard avisé. Il ne va pas de soi de s’entraider avec cette générosité entre chorégraphes.
Propos recueillis par Thomas Hahn
Le Théâtre, Scène nationale de Mâcon, le vendredi 15 décembre 2017
Chorégraphie : Frédéric Cellé en collaboration avec les interprètes
Assistante chorégraphique : Pauline Maluski
Assistante répétitrice : Solange Cheloudiakoff
Aide à la dramaturgie : Gislaine Drahy
Création musicale Camille Rocailleux
Interprètes : Justine Berthillot, Tatanka Gombaud, Maxime Herviou, Clément Le Disquay, Aurélie Mouilhade
Scénographie et création lumière: Gilles Faure
Création costumes : Marie-Fred Fillion
Regard extérieur : Herman Diephuis
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