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Entretien avec El Yiyo

En 2004, à la sortie d’un spectacle, Farruquito, célèbre danseur de flamenco s’adresse au père d’un enfant de 8 ans : “Vous avez entre les mains un diamant brut, mais c’est un véritable diamant du flamenco” et le convie à l'accompagner sur scène pour «Fin de fiesta». Ce jeune danseur gitan âgé aujourd’hui de 19 ans, c’est El Yiyo, la nouvelle promesse du «baile» flamenco. Il transmet par sa danse pure et instinctive l'âme du flamenco, alliant force, charisme et élégance. Nous l’avons rencontré.

Danser Canal Historique : D’où vient votre nom de scène El Yiyo ?

El Yiyo : Je m’appelle Miguel. Mon grand-père m’appelait toujours Miguelillo (n.d.l.r.  petit Miguel).  Le nom de « El Yiyo » est venu naturellement.

DCH : À quel âge avez-vous commencé à danser ?

El Yiyo : Mon premier spectacle, je l’ai donné ici à Barcelone dans la salle Paloma à l’âge de 7 ans. J’ai commencé à danser le flamenco quand j’avais 6 ans environ, lors d’une fête de famille. Dans ma famille le flamenco se danse beaucoup à Noël, lors des mariages ou des célébrations en tous genres. Il faut dire que chez mon grand-père, il y avait toujours du flamenco.  Il aime beaucoup cette danse et passait des vidéos en permanence, ce qui me fascinait beaucoup. Je ne savais pas danser mais je regardais les vidéos.  Un jour un bailaor (danseur) de flamenco m’a vu danser à un mariage. Il a dit à mon père de m’emmener dans son studio le lendemain pour qu’il me donne un cours.  J’ai tout de suite dit oui. J’étais très content.

 DCH : Quels ont été vos professeurs ?

El Yiyo : Je n’ai pas eu de professeur. Quand les danseurs Farruquito ou Juan de Juan venaient ici à Barcelone, je prenais des cours intensifs avec eux. Mon père n’est pas bailaor de flamenco, mais il s’y connaît beaucoup. Il me conseille, me donne son avis. Il a vu beaucoup de flamenco. Je tiens beaucoup compte de ses conseils et ça fonctionne.

DCH : Quel a été le rôle de votre famille dans votre carrière ?

El Yiyo : Ma famille m’aide beaucoup, elle est très protectrice. Lorsque je pars en tournée, ils m’appellent en continu pour me dire de me reposer, de prendre soin de moi, de dormir suffisamment pour être en forme pour le prochain spectacle. Ils ne me mettent aucune pression. Ils me respectent et me permettent d’évoluer à mon aise.

DCH : Quel a été votre premier souvenir marquant ?

El Yiyo : J’ai beaucoup de souvenirs, mais celui qui m’a le plus marqué c’est la première rencontre avec Farruquito. Je devais avoir 8 ans. J’étais allé voir un spectacle de Farruquito avec mes parents. À la sortie, ma famille m’a fait danser dans la rue ! Farruquito est passé par hasard et m’a demandé qui j’étais.  On s’est revus le lendemain et il m’a proposé de faire une petite intervention à la fin de  son spectacle. Il m’a même demandé de le suivre un mois en tournée avec sa compagnie, mais je n’avais que 8 ans c’était un peu jeune. Nous sommes bien sûr restés en contact. Nous travaillons souvent ensemble au point que nous sommes devenus amis.  

DCH : Quelle est votre vision du flamenco ?

El Yiyo :  Aujourd’hui, les danseurs de flamenco ont plus de technique qu’auparavant, mais au détriment de ce que l’on appelle le « duende » (le génie, sorte de transe). Certains danseurs de flamenco font 10 pirouettes  mais il manque la magie. Le flamenco a été fusionné un peu à tort et à travers avec d’autres musiques, parfois au détriment du flamenco lui-même. Je suis très hétéroclite en musique. J’aime le jazz, la salsa, le hip hop, même Michael Jackson. Lorsque l’on mélange le flamenco avec d’autres styles de musique, il faut être très prudent pour ne pas enlever la pureté, l’essence même du flamenco.  J’aime le flamenco moderne, mais il doit garder son âme et l’esprit originel.  

J’essaie de développer  ma propre personnalité, mon propre style de flamenco. Je ne veux imiter personne, je veux avoir ma propre signature. Je regarde beaucoup de vidéos de Farruquito, d’Antonio Canales, de Joaquín Cortés, de José Maya,  etc. Je ne reproduis rien de ce que je vois. J’assimile ce que je vois pour définir mon propre style.

DCH : Que pensez-vous de l’évolution actuelle du flamenco ?

El Yiyo : Le flamenco évolue positivement et négativement. Comme je le disais précédemment, les danseurs ont plus de technique mais manquent de personnalité. Pour capter un maximum de public, la technique doit être présente, mais il faut surtout que le danseur ait de la personnalité. C’est primordial.

Le flamenco est important en Espagne, c’est évident, mais on ne lui accorde pas la même place qu’il y a 40 ans. Et pourtant, quelque part, la culture espagnole ce sont les taureaux  et le flamenco.  Avant, le flamenco était omniprésent. Ce n’est plus le cas. Il faudrait relancer  des programmes télé, nous aider davantage, ouvrir des portes au flamenco.   

DCH : Est-ce que dans le flamenco, on peut reconnaître un danseur au son qu’il produit, comme on peut reconnaître un pianiste au toucher ?

El Yiyo : C’est différent. La musique s’écoute, la danse se regarde. Il est très difficile de reconnaître un bailaor juste en écoutant son  « zapateado ». Par contre, quand j’écoute  Farruco danser une Solea, je le reconnais immédiatement. C’est la même chose pour un pianiste. Chaque pianiste développe son propre style, son propre toucher.  Mais en flamenco, en général,  il est difficile de reconnaître un danseur « à l’aveugle ».

DCH : Que retirez-vous des cours de danse classique et de danse contemporaine que vous prenez actuellement ?

El Yiyo : J’ai fait de la danse classique car pour un danseur quel qu’il soit, la danse classique c’est la base de toutes les danses. Cela m’a beaucoup aidé pour mon placement sur scène. J’ai beaucoup travaillé mon attitude aussi grâce à la danse classique. Je mets mieux mon corps en avant, en évidence.  De plus cela me permet de mélanger la danse classique au flamenco. Par exemple, lorsque je fais un « giro a la salvaje » (pirouette sauvage), j’intègre la technique de la danse classique. La danse contemporaine me permet également d’élargir mes horizons. J’en retire beaucoup.

DCH : Qui aimeriez-vous rencontrer ?

El Yiyo : Grâce à Dieu et à mon parcours aussi, j’ai rencontré la majorité des personnes que j’aurais voulu rencontrer. Étant enfant, j’admirais Farrquito. Nous sommes devenus amis. J’aurais bien sûr voulu connaître Cameron, Paco de Lucia et aussi d’autres grands danseurs qui ont disparu. Prochainement au festival de flamenco Suma flamenco de Madrid, je vais danser avec El Güito qui a maintenant 72 ans. C’est un grand privilège pour moi et une belle façon d’allier le passé et le présent.

DCH : Comment vous imaginez-vous dans 5 ans ?

El Yiyo : Cela fait des années que je me bats, que je travaille au quotidien avec acharnement, pour me faire un  nom dans le monde du flamenco,  que les gens parlent de moi. Je ne suis pas un petit jeune qui vient de commencer. J’ai déjà un beau parcours derrière moi. D’ici 5 ans, je voudrais faire des tournées dans le monde entier. Danser dans les théâtres avec ma propre compagnie, avec mon groupe de musiciens, répéter avec mes  musiciens.  Former une famille en quelque sorte.

Propos recueillis par Agnès Izrine

Prochaines dates pour découvrir El Yiyo en spectacle

26 juin Festival Suma Flamenca de Madrid

10 juillet 2015 Festival de Arte Flamenco de Mont-de-Marsan

 

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