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Entretien avec Dominique Dupuy

A l’initiative de Dominique Dupuy, est né Silence(s), un projet porté par le Théâtre national de Chaillot. Une trentaine de « Jours de silence » ont ainsi été conçus, égrénés de septembre 2016 à décembre 2017.
Samedi 26 novembre, l’indianiste Charles Malamoud donnera à la Sorbonne une "Leçon de silence" intitulée "À l'écoute de l'Inde quand elle dit le silence". Cette "leçon" sera suivie d'une performance de la danseuse Sun A-Lee sur une chorégraphie de Luc Petton.

Danser Canal Historique : Qu’est-ce qui vous a donné l’idée de monter cet énorme projet autour du silence ?

Dominique Dupuy : Cela fait longtemps que Françoise (Dupuy NDLR) et moi naviguons avec le silence, une chose devenue rare dans notre monde d’aujourd’hui, entre injonctions bruyantes et musique qui envahit tous les espaces… L’idée était de faire se côtoyer la pensée, la théorie, et la pratique dans diverses propositions vivantes mêlant ateliers, paroles, gestes, images, musiques…  Nous avons formé un petit groupe de gens qui ont tout de suite manifesté leur intérêt. C’est curieux.

Il est évident que c’est le spectacle Acte sans paroles de Beckett qui l’a motivé. C’était une épreuve. Quatre-vingt minutes de silence, il fallait tenir le coup. On l’a présenté deux ans de suite au Théâtre national de Chaillot. La seconde année, mon partenaire circassien, Tsirihaka Harrivel, et moi, nous attelions à ce qu’il y ait le moins de bruit possible dans la salle. C’était très fort. Tout de suite après, j’ai d’abord pensé à en faire un spectacle. Cette fois de danse. Puis, le temps passant, j’ai pensé que peut-être, il serait bien d’en faire autre chose, avec d’autres personnes. Et voilà.

DCH : Comment l’avez-vous mis en place ?

Dominique Dupuy : J’en ai parlé à Didier Deschamps. Il était la première personne que je rencontrais autour de ce projet. Il est resté coi un bon moment. C’était très beau. Puis s’est montré très enthousiaste. De fil en aiguille, j’ai demandé à des gens que je connaissais, de réfléchir, de proposer des contenus. Tout le monde a foncé et Didier Deschamps les a réunis à Chaillot. Nous avions imaginé une manifestation par mois sur une saison. Nous nous sommes vite aperçus que ça débordait et finalement, nous programmons deux événements par mois jusqu’en décembre 2017.

DCH : Est-ce vous qui avez choisi les différents intervenants ?

Dominique Dupuy : J’ai réuni moi-même les premières personnes. Puis, je suis très ami avec Christian Doumet qui a été directeur de programme Collège international de Philosophie. Il les a convaincu de participer et a proposé de piloter les « Leçons de silence » avec un certain nombre de philosophes. Ainsi s’est dessinée la première base tangible. À partir de là, on a brodé, ajouté des intervenants, notamment des artistes…

J’avais envie que ça prenne un autre tour que la seule intervention parlée. J’ai beaucoup travaillé pour convaincre les institutions très différentes de façon à ce qu’il y ait un côté, sinon festif, du moins très divers. Ainsi, la première leçon du 24 septembre réunira Christian Doumet, Carolyn Carlson et le chanteur compositeur David Hykes avec le percussionniste Bruno Caillat. J’aurais aimé avoir des interventions autour du toucher, de l’artisan. Mon père était sculpteur amateur et c’est ainsi que j’ai pu appréhender le travail du toucher. C’est peut-être le sens le plus proche du silence. Il y en aura un peu, au Centre Mandapa, l’Ikebana, la Cérémonie du thé… qui sont des activités concrètes.

DCH : Le silence est un sujet très vaste, comment l’envisagez-vous à titre personnel ?

Dominique Dupuy : Je pense qu’il y a deux écueils à éviter absolument : l’idée que le silence est un arrêt, ou que c’est une méditation. Ces deux pôles ne sont pas très créatifs. Pour moi le silence a un aspect dynamique. Ce n’est pas une fin mais un début, une initiation. Il précède, c’est une anacrouse, la suspension avant l’action, ou avant la musique ou la parole. Pour la danse, c’est très important.

DCH : La danse est-elle un art du silence ?

Dominique Dupuy : Pour moi le silence est un appel à l’élan, c’est comme une espèce d’appui et finalement, c’est très dansant. Il faut trouver un silence intérieur pur exprimer quelque chose à travers le geste… et le garder. Il y a des danseurs, qui même en étant sur la musique, gardent à l’intérieur d’eux la question des interstices, des temps, des entre deux, comme si leur danse gardait son propre rythme. C’est le temps du profond de la danse et ce qui la rend intéressante à regarder.

DCH : Vous vous intéressez même au silence des animaux…

Dominique Dupuy : Sonia Soulas, la directrice de la Scène nationale de La Roche-sur-Yon m’a proposé une intervention dans un haras. Quand j’ai pénétré dans cet endoit fantastique, j’ai été bouleversé par un silence prenant. Bien sûr, il y a les bruits de sabots, des hénissements, mais ce sont des bruits qui s’accordent au silence. Du coup, nous allons faire un périple dans le haras, avec de la danse. Ensuite, je me suis dit qu’il fallait absolument qu’on parle du silence des animaux. Heureusement, Wajdi Mouawad, le nouveau directeur du théâtre de la Colline qui a écrit un livre sur les animaux a tout de suite été intéressé.

DCH : Vous vous êtes réservé la dernière conférence…

Dominique Dupuy : Oui, ce sera « le silence de la danse, ce que nous souffle le silence ». J’ai invité la danseuse Caroline Marcadé, que je trouve extraordinaire, qui a un très beau parcours.

Propos recueillis par Agnès Izrine

Chaillot -Théâtre national de la Danse, 1 place du Trocadéro, 75116 Paris.
Tél. :  01 53 65 30 00

Prochains Jours de Silence à Chaillot-Théâtre national de la Danse :

Samedi 3 décembre 2016 : L'indicible : silences de l'amour, silences de l'amitié
Samedi 25 février 2017 : Minutes de Silence : politique et mutisme

 

 

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