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Emanuel Gat : « Sacre /Gold »

Deux œuvres exceptionnelles d’Emanuel Gat qui jalonnent son parcours de chorégraphe.

On avait déjà aimé les Goldlandberg créé en 2013 à Montpellier Danse, conçus comme une fugue de Bach et maniant le contrepoint chorégraphique pour huit danseurs. Gold, version réduite à tout point de vue de la même œuvre (cinq danseurs et un temps resserré) en fait ressortir la quintessence. Bien sûr, il reste ce fin tissage musical entre les Variations Goldberg interprétées par Glenn Gould (1981) et son œuvre radiophonique The Quiet in the Land. Mais là, Gold prend d’emblée une dimension plus spirituelle, peut-être parce que plus concentrée.

Mais c’est surtout la danse qui a évolué. Alors que dans la version initiale la structure restait apparente, il ne subsiste plus qu’une sensation de liberté, incarnée dans le corps de chaque danseur dans une gestuelle totalement inédite. Il y a des moments de suspension presque miraculeux, des attouchements suprenants, des enchevêtrements subtils, mais surtout une écriture qui se déploie dans l’espace, imprimant sur le tapis blanc, la trace du moment précédent.

Emanuel Gat nous parle aussi de nos corps ordinaires promis à une transfiguration – non pas éternelle – mais comprise dans des moments de grâce, de ceux que chacun peut éprouver au ras d’un quotidien souvent embarrassé d’un bruit du monde inutile. C’est pourquoi la gestuelle oscille entre des mouvements d’un ordinaire absolu et mystérieux à des figures savantes tout aussi absolues et toujours ineffables. Mais cet ensemble de gestes n’est-il pas l’étoffe même de l’humain qui compose entre son donné et son insu ? À cela s’ajoute le charme de la simplicité sophistiquée de Bach qui infuse toute la chorégraphie de son attrait intérieur, sa lumière et ses ombrages.

"Gold" et "Sacre" © Emanuel Gat

Changement du tout au tout avec Sacre. La pièce n’est autre que son Sacre du printemps, qui l’a fait connaître lors de sa création en 2004. Mêlant audacieusement Stravinsky et la salsa, dans une sorte de bacchanale. Ce qui, au fond, est bien le propos originel du Sacre du printemps.

Avec cinq interprétes, la danse est une sorte d’entrelacs sans fin qui enchaîne à grande vitesse les passes et se joue d’une instabilité qu’implique le nombre impair de partenaires. La salsa est affûtée par Gat qui la restitue plus violente, plus précise, plus hâtive. En un mot, plus savante. Il monte une mécanique du désir qui ne le cède en rien à la musique pulsée de Stravinsky.

Dansée par Emanuel Gat lui-même (un événément !) la chorégraphie se fait encore plus huilée, encore plus percutante. Condensée sur un tapis rougeoyant, ce Sacre déploie toute la passion, toute l’énergie de survie et la menace dont la partition est capable. Vue à la création, la pièce a encore gagné en musicalité, en incandescence et en sensualité brute. Du grand art.

ll ne faudrait pas oublier de signaler l’excellence des interprètes de Gat, dans les deux pièces. Toujours justes, jamais affectés, pleinement eux-mêmes et totalement au service de l’œuvre.

Agnès Izrine

30 mars 2017, Le Cent-quatre, avec le Théâtre de la Ville.

Interprètes : Pansun Kim, Michael Lohr, Geneviève Osborne, François Przybylski et Milena Twiehaus, Anastasia Ivanova, Sara Wilhelmsson et Ashley Wright

 

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