Emanuel Gat à la Biennale College – Danza de Venise
Absolument stupéfiant ! C’est ce que l’on pense en regardant Third Song, une création d’Emanuel Gat réalisée en tout juste dix jours avec douze danseurs qu’il ne connaissait pas auparavant. Avec ses trajectoires complexes, sa rapidité, la façon dont le groupe se forme et se disperse comme une nuée de moineaux, il paraît incroyable qu’il ait su constituer si vite un tel esprit de groupe.
On a beau connaître maintenant la façon dont Emanuel Gat construit ses chorégraphies, soit en donnant un certain nombre de contraintes aux danseurs pour mieux les laisser libres de trouver leur place à l’intérieur de celles-ci, on est toujours surpris de distinguer dans ces lignes qui s’enchevêtrent, ces départs brisés, ces courses millimétrées, une écriture tout à fait particulière, qui, à chaque fois, nous confronte aux rapports humains. Il y a de la ruche et de la fourmilière dans les déplacements chorégraphiques, dans cette façon de suivre avec obstination sa ligne singulière, en ne rencontrant le rapport qu’à l’intersection. Il peut d’ailleurs prendre la figure d’une jonction, d’une coïncidence, ou d’un empêchement.
Galerie photo : Michelle Davis
Mais, contrairement aux sociétés d’insectes, les cheminements développés par Emanuel Gat sont pleinement conscients. C’est pourquoi ils sont une sorte de microcosme de l’humanité, une chorégraphie de rapports, de gens qui se connectent, à l’image de « réseaux sociaux » qui, au lieu de rester purement virtuels, comme dans notre réalité 2.0, prendraient corps en s’incarnant.
En témoignent aussi ces circulations de la parole, qui, tout en restant incompréhensible, laisse émerger des mots, comme autant d’amers ou de repères, où l’homme peut se raccrocher dans ce flux discursif continu.
Galerie photo : Michelle Davis
La danse prend alors ce même chemin. Celle d’un flot capricieux, dont l’épanchement est soumis à de brusques revirements, une fraction de seconde de reconnaissance, une sorte d’accroche impromptue au geste de l’autre qui remanie, instantanément, la trajectoire chorégraphique.
La lumière qui creuse l’espace et isole les corps, précède parfois les trajectoires, fait briller les mouvements au sein d’un genre de clair-obscur ne compte pas pour peu dans cette sensation de l’être ensemble qui se propage sur le plateau.
On est bientôt emporté dans ce tourbillon de plus en plus rapides, dans ce chaos organisé, virtuose sans avoir l’air d’y toucher.
À la fin, le groupe se dissout sans que pour autant le sentiment d’harmonie ne s’éteigne. C’est ce qui rend ce moment précieux.
Agnès Izrine
25 juin 2015 - Biennale College Danza, Teatro Alle Tese, Arsenale, Venise.
Third Song
Chorégraphie : Emanuel Gat
Assistante : Geneviève Osborne
Avec : Serenella Amoretti, Elita Cannata, Fabio Caputo, Melissa Cossetta, Danielle De Vries, Emma Evelin, Lucia Fernandez, Claire Lavernhe, Viktoriia Lysenko, Antonio Marino, Annali Rainoldi, Oihana Vesga Buja,
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