Dominique Hervieu maintient la Biennale de Lyon
À l’heure du retour à la vie culturelle, Dominique Hervieu, directrice de la Maison de la Danse et de la Biennale de la danse de Lyon nous fait part de son nouveau calendrier pour la Biennale, qui sera bien au rendez-vous... mais en deux temps !
DCH : La situation sanitaire exceptionnelle vous oblige à réinventer l’édition 2020 de la Biennale quel en est le nouveau calendrier ?
Dominique Hervieu : Je m’étais associée à la Saison Africa 2020 sur deux sujets, les créations et le Défilé. Pour la première fois nous allions nouer des collaborations entre les chorégraphes et les équipes artistiques de la région avec des créateurs africains, pour le Défilé, notamment en ce qui concerne les costumes, la musique, les danses, les chars… Nous l’avions déjà bien développé et élaboré sur dix-huit pays d’Afrique différents, en résidence. Evidemment, ils ne peuvent pas venir. Le deuxième problème est que les amateurs ne peuvent pas répéter. Donc il nous restait à annuler ou reporterBien sûr, tout le monde tient à ce Défilé – y compris les tutelles – et le projet était très avancé. La bonne surprise, c’est qu’ils ont tous accepté. Mais c’est toujours la même chose avec les équipes du Défilé, pour qu’ils renoncent, il leur en faut beaucoup. Ça s’était déjà vérifié en 2016 avec le terrorisme qui nous avait obligé à défiler dans un stade, là c’est le COVID 19. Et à chaque fois nous réunissons les 4000 personnes et nous ressentons la solidarité, l’envie de se lancer. Ensuite, pour qu’il n’y ait pas qu’un volet festif, j’ai décalé les créations des artistes africains en mai-juin 21, d’autant que leur venue en septembre est plus qu’hypothétique. J’ai perdu quelques projets en route. Comme celui de Robyn Orlin qui devait avoir lieu à la Philarmonie en mai et qui a été annulé, et une création de Gregory Maqoma à l’Opéra de Lyon pour des raisons de disponibilités.
DCH : Vous aviez également prévu en septembre d’investir un nouveau lieu à cette occasion, qu’en est-il aujourd’hui ?
Dominique Hervieu : J’avais décidé de lancer cette année une innovation artistique et sociale avec un nouvel espace, dans les Usines Fagor-Brandt que la Biennale d’Art contemporain a déjà utilisé cette année. C’est une friche immense dans le 7e arrondissement de Lyon d’environ 30 000 m2. Donc j’ai souhaité, dans un souci de lien avec la Biennale d’Art contemporain, créer un espace autonome dédié à la jeunesse avec des œuvres interprétées uniquement par des jeunes de 15 à 25 ans. Et j’ai fait appel à sept créateurs qui devaient être dans le même système de résidence, travail avec les écoles d’art, les collèges et lycées, les conservatoires, etc. pour créer ces œuvres pluridisciplinaires, avec des collectifs, très près du terrain et rouvrir un nouvel espace de dialogue et d’échanges artistiques ouvert à tous et gratuit sur deux week-end avec cette jeunesse d’aujourd’hui. Et là, les écoles sont fermées, du coup je reporte ce tiers lieu éphémère de la Biennale en 2021. L’idée étant qu’on puisse avoir un méli-melo d’œuvres chorégraphiques, textuelles, narratives, technologiques, et interactives.
DCH : Quels spectacles seront maintenus à la Biennale de septembre ?
Dominique Hervieu : Scinder la Biennale en deux étapes nous permet d’être présents en septembre, si toutefois il est possible de mettre des spectateurs dans des salles. Nous réfléchissons d’ailleurs à un aménagement de nos salles qui autoriserait la distanciation sociale, même si c’est un casse-tête spatial et financier puisque dans le meilleur des cas, nous ne pourrons remplir que 50% de la jauge. Bien sûr, j’assume mes responsabilités, de ne pas rajouter du malheur au malheur. Tout ceux qui auront créé leurs œuvres, nous les montrerons. Même si certains d’entre eux ont des difficultés, reformatent, remanient, modifient leurs processus de travail, nous les accompagnons, presque au jour le jour. Evidemment, ceux qui travaillent avec l’international ne seront peut-être pas là en septembre non plus. Je travaille avec mes tutelles et mon conseil d’administration pour resserer le volet de septembre autour de la sphère européenne. Donc du coup, ça crée une solidarité pour un circuit court.
DCH : Selon vous, quelles sont les équipes les plus en difficulté ?
Dominique Hervieu : Les équipes artistiques sont très fragilisées. Mais les plus précaires ne sont pas les seules concernées. Celles qui génèrent beaucoup de recettes propres, notamment grâce à de grandes tournées internationales, et les plus diffusées sont celles qui auront les plus grands déficits budgétaires. Donc tout le monde est touché. Le modèle économique de la Maison de la danse qui doit générer 60% de recettes propres s’est effondré. Nous avons perdu des mécénats. Bref, nous sommes dans l’incertitude mais nous devons continuer à travailler. Le fait que nous soyons une année Biennale nous affecte davantage, car je dois affronter la question de la diffusion avec la Maison de la danse, et de la création avec la Biennale. J’essaie de trouver des hypothèses de travail, mais elles changent tous les jours.
Propos recueillis par Agnès Izrine
Biennale de la Danse de Lyon : Du 11/9 au 2/10 en Métropole et dans la Région AURA, dates susceptibles d’être modifiées. Puis en mai/juin 2021.
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