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Deux créations de Martin Harriague au Temps d’aimer : Interview

Le chorégraphe originaire de Biarritz – où il est de nouveau installé - évoque ses créations A_Live et Serre

Danser Canal Historique : Avec A_Live_ ,vous avez créé et vous interprétez un duo avec Mickaël Conte des Ballets Biarritz, face à un personnage féminin qui ne bouge pas, mais parle d’une voix  artificielle. Quelle est l’histoire de cette nouvelle création ? 

Martin Harriague : Nous avons créé ce duo après le confinement, et il y a donc évidemment des références à cet enfermement, au désir de s’exprimer en toute liberté. Et nous parlons du monde d’après, lointain, peut-être apocalyptique, où il reste ces deux hommes et cette femme qui peut faire référence à la Terre et la nature. Dans toute la pièce il y a des clins d’oeil à des films de science fiction. L’idée était de rentrer dans une sorte de vaisseau spatial, comme nous sommes entrés, en juillet au Ballet Biarritz, dans une sorte de vaisseau fantôme, dans un lieu où il n’y avait plus de danseurs mais seulement l’équipe technique et l’administration. Au début, nous n’avions aucun projet concret, nous voulions juste danser ! Et juste avant de commencer à répéter, nous avons appris qu’il y avait des cas contacts dans la compagnie, et nous ne savions même pas si allions pouvoir travailler ! Nous avons été testés négatifs, mais il n’y plus rien de vraiment acquis. 

DCH : La pièce lance comme un retour au futur, ou bien une avancée vers le passé. On revient aux fondamentaux, dans le sens où les personnages peuvent aussi être des figures mythologiques, face à un personnage de science-fiction. 

Martin Harriague : Pour les personnages masculins, il y a aussi une idée de stature, peut-être de la Renaissance. Le personnage robotique peut être vu comme une version féminine de Hal dans L’Odyssée de l’Espace ou bien comme une référence à Ava, l’intelligence artificielle dans le film Ex-Machina qui est jouée par Alicia Vikander. Mais la voix métallique est la mienne, j’y ai ajouté des effets électroniques comme ceux du beat crusher. Ca donne cet aspect robotique. En faisant le montage audio, j’ai rendu la voix féminine. La femme- robot parle de ses rêves, et dans ses rêves elle imagine ces deux hommes, qui sont aussi Les Hommes, sans aucune relation sexuelle ou sensuelle. C’est juste l’image des Hommes sur terre, et elle s’imagine que les Hommes sont respectueux, attentionnés et bons. 

DCH : Vous venez de créer une série de pièces à teneur très écologiste. A_Live semble poser la question sur l’avenir de l’humanité sous un autre angle, en parlant de notre avenir par rapport aux technologies. 

Martin Harriague : Ce travail est plus abstrait que ce que je fais d’habitude. Il n’y a pas vraiment de narration. Par contre, la question environnementale reste présente, notamment quand on entend le son d’un incendie, sur fond de stroboscopes rouges et oranges, en référence aux forêts qui brûlent, d’autant plus qu’un incendie a ravagé une forêt près d’Anglet, il y a peu de temps. 
 

DCH : On retrouve aussi votre sens de l’ironie et du second degré, mais d’une manière plus discrète. 

Martin Harriague : Parce que la femme-robot rêve que l’Homme est bon ? Mais c’est aussi une manière de garder espoir, alors que de plus en plus de quasi-dictateurs prennent le pouvoir, que la pauvreté est de plus en plus visible et que les forêts brûlent de partout. Là-dessus arrive une pandémie… Ou bien, vous pensez à cette grosse boule rouge qui s’anime, devant un texte qui dit « Les Hommes sont protégés »... C’est en effet un peu sarcastique car les Hommes sont plus contrôlés que protégés. Il y a même eu des spectateurs qui m’ont demandé si je voulais dénoncer le lobbying de l’industrie pharmaceutique, sans doute en écho aux théories complotistes sur le coronavirus. 

DCH : Vous avez également créé Serre, une petite forme très particulière, où vous mettez en scène Mickaël Conte. 

Martin Harriague : Serre est assez théâtral, c’est pensé comme un film. L’idée est que les spectateurs font partie de ce film et c’est pourquoi nous avons imaginé ce dispositif à 360°. Ca parle évidemment d’enfermement et de l’impossibilité de se mouvoir. Il n’y a pas beaucoup de danse, et c’est fait exprès. Il s’agit de voir ce danseur, Mickaël Conte du ballet Biarritz, un danseur vraiment remarquable. Et puis il y a cette personne en habit de cosmonaute qui prend soin de cet homme comme d’une plante. Il pourrait s’agir du dernier Homme sur la Terre. 

DCH : Ou bien le premier Homme, dans sa nudité. 

Martin Harriague : En effet. Je redoutais un peu les réactions par rapport à cette nudité, mais elle a été très bien acceptée, dans son appel à la simplicité. Mais Serre parle aussi du désir de liberté. Nous avons même mis en place un système de contrôle avec une caméra dissimulée derrière un rideau pour contrôler les effets lumière et son, ce qui me permettait de voir en même temps tous les spectateurs. Je voulais faire une pièce où il faut prendre le temps de regarder, de contempler en toute simplicité. Pendant le confinement, il y a eu une vraie saturation d’images de danse sur les réseaux sociaux, alors que les danseurs ressentaient la nécessité de s’entraîner. On n’a sans doute pas suffisamment utilisé ce temps pour se poser et réfléchir à de nouvelles formes de spectacles. 

DCH : Quels sont vos projets de tournées ? Vous aviez aussi un projet de création à Wiesbaden, au Hessisches Staatstheater, une pièce pour laquelle vous aviez exprimé le souhait de rencontrer Greta Thunberg. 

Martin Harriague : Ce projet est tombé en pleine période de confinement, et a heureusement pu être reporté au lieu d’être annulé. La création aura lieu en 2022. Il s’agit d’une pièce pour danseurs et marionnettes. La marionnette m’intéresse de plus en plus ! Je suis parti sur l’idée d’un affrontement entre Greta Thunberg et Donald Trump. Mais je ne sais aujourd’hui si en 2022 je travaillerai toujours sur cette idée-là. Je suis aussi en train de remonter Fossile  [lire notre critique] avec la compagnie espagnole Dantzaz, pour tourner en Allemagne et en France.

Pour Dantzaz, j’ai aussi créé Walls, une pièce sur la question des murs, dans laquelle j’utilise, là aussi, la voix de Donald Trump. Quant à Serre, il nous faudra trouver de nouvelles façons de diffuser la pièce. 

Propos recueillis par Thomas Hahn

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