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Des entrechats en hijab ?

Laurence Rossignol, ministre des Droits des femmes, au cœur de la récente polémique sur les grandes marques commercialisant des vêtements islamiques, appréciera : La jeune Australienne Stephanie Kurlow veut devenir la première ballerine professionnelle se produisant en portant le hijab en scène. Peut-on danser en tenue islamique ?

Kurlow a aujourd’hui quatorze ans. Elle commence à danser, lit-on dans la presse internationale, à l’âge de deux ans. Elle devient musulmane quand son père d’origine russe et sa mère, Australienne, se convertissent. Stephanie a alors dix ans et est convertie dans la foulée. Aujourd’hui elle dit vouloir vivre dans cette foi sans renoncer à la danse. Mais son optimisme  et sa volonté pourraient déclencher des débats dépassant de loin ce que les épaules d’une adolescente sont capables de porter.

Changer la donne

Pensons le monde autrement, dit-elle. Quand son école de danse à Sydney la met à la porte en lui signalant l’incompatibilité entre le tutu et le hijab, elle dit chiche ! Stephanie lance une campagne de crowdfunding. Elle espère lever les fonds nécessaires pour une formation dans une école de ballet payante qui ne pourra la refuser. Elle rêve  aussi d’ouvrir une école où tous seront acceptés, quelles que soient leurs pratiques religieuses.

Depuis le début de l’année, elle fait sensation dans la presse internationale. La fondation de Björn Borg, dont la vocation est de soutenir des sportifs, a décidé de lui attribuer sa bourse pour les Game Changers, des personnalités pouvant changer la donne dans un domaine donné. Assurément, cette étonnante adolescente en a la capacité, à condition de réussir à se produire sur scène après sa formation. Mais dans quels ballets ? Venons-en donc aux aspects artistiques.

A quoi ressemblerait un ballet islamique ?

La danse classique est inséparable d’une certaine tenue. Du moins, nous le pensions. Et qu’en diront les salafistes, talibans et autres intégristes qui maudissent la danse en soi ainsi que la  musique et qui renient aux filles le droit à la scolarité et d’être touchées par des hommes, même s’ils sont médecins, comme cela se produit de plus en plus souvent dans les hôpitaux français ? Une ballerine musulmane serait à leurs yeux une insupportable provocation. En Europe, Kurlow aurait besoin de gardes du corps. Par chance elle vit à Sydney et donc a priori à l’abri des factions les plus radicales.

Mais  alors, qui écrira les chorégraphies islamo-compatibles ? Ou  bien faudra-t-il attendre que Kurlow ait-elle-même formé une compagnie de ballerines en hijab et jupons longs et épais comme ceux qu’elle arbore elle-même ? Ces robes rappellent plutôt les tenues des danses folkloriques de l’est que le romantisme. Et comment danser un ballet existant sans évoquer les formes de son corps, sans être touchée par un homme ou, inversement, sans trahir l’esprit de l’œuvre ? Quel chorégraphe écrira un ballet islamique, et à quoi celui-ci pourrait-il ressembler ? En somme, le rêve d’être ballerine en tenue islamique restera un plaisir individuel.

Féminisme ou communautarisme ?

Il faut voir les chances, pas les problèmes, et c’est que fait Kurlow, disent-ils à la fondation Björn Borg. Mais si jamais Kurlow réussissait son pari, nous aurions des ballets islamiques pour public musulman, et donc un pan supplémentaire de communautarisme. Pourtant, Kurlow dit vouloir lutter contre le communautarisme et pour que les musulmanes puissent accéder pleinement aux  métiers scientifiques, médiatiques et artistiques. En Occident, c’est déjà le cas, en théorie du moins. En pays sous droit islamique, ce serait lancer l’idée d’un féminisme islamique et avec lui, une profonde remise en cause de l’intégrisme. Voilà qui changerait le jeu, en effet. Au bout du compte, une telle évolution ouvrirait aux femmes non seulement des carrières réservées aux hommes, mais en dernière conséquence, après de longs débats sur l’interprétation du Coran, la liberté d’enlever le hijab. En vérité Kurlow vise le contraire, à savoir l’acceptation du hijab dans ces métiers. En version pop, à la Marks & Spencer ou autres Uniqlo, sans doute. Alors, à quand une équipe de foot féminin en hijab ? Sans doute avant une troupe de ballet.

Thomas Hahn
 

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