« Dakhla » d’Abou Lagraa
Ludovic Collura, Diane Fardoun, Nassim Feddal, Amel Sinapayen : dans la nouvelle pièce d’Abou Lagraa créée le 12 janvier à Suresnes cités danse, ces quatre danseurs crèvent la scène. Ils transportent une chorégraphie précisément basée sur leur talent et leur singularité.
Pour évoquer ses trois « ports d’attache », Alger, New York et Hambourg, le directeur de la Compagnie La Baraka a en effet choisi des interprètes aux origines aussi mélangées que ces emblématiques lieux d’échanges. Ludovic Collura, d’origine italo-sénégalaise, est passé par le CNSMD de Lyon. La Franco-libanaise Diane Fardoun a été formée par Corinne Lanselle, figure historique de la danse hip hop et du métissage des genres. Nassim Feddal est l’une des recrues du Ballent contemporain d’Alger, créé avec des danseurs des rues par Abou Lagraa, dans le cadre de son Pont culturel méditerranéen. Enfin la formidable Amel Sinapayen, mi Algérienne, mi-Réunionnaise, est passée par la la Cie Rêvolution à Bordeaux, avant d’être recrutée par Nawal Lagraa pour sa création Do You Be.
Par deux ou en quatuor, ils se défient, s’unissent, se séparent ou se livrent à des joutes sensuelles qui disent tour à tour le départ, les retrouvailles, la douceur du quotidien ou la froideur de l’exil. On y retrouve la belle danse, ample et précise, de l’auteur de Passages - créé dix-sept ans plus tôt sur cette même scène. Soit une écriture très contemporaine, qui emprunte au hip hop une fluidité remarquable tout en s’autorisant, ça et là, quelques réminiscences néo-classiques.
Répétitions de Dakhla - Galerie photo © Dan Aucante
Ce mix chorégraphique s’accorde à merveille à l’ambiance sonore tressée à partir de morceaux originaux par Olivier Innocenti, pour suggérer les univers musicaux des trois villes : les mélopées arabo-andalouses d’Alger la Blanche, la déferlante funk du Prince des années 80 new-yorkaises, enfin l’implacable rythmique techno du DJ Mike Dehnert pour Hambourg.
On retient l’extraordinaire pas de deux d’Amel Sinapayen et Nassim Feddal, elle aussi menue qu’il est imposant et tous deux magnifiques, la grâce aérienne de Ludovic Collura, la gestuelle déliée de Diane Fardoun. Jouant des contrastes, Abou Lagraa les oppose volontiers par couple, hip hop contre contemporain. Mais par-dessus tout il célèbre, dans cette pièce « sans frontière ni tabou » comme les villes qu’elle traverse, le métissage et la richesse d’un monde où la liberté de circulation - celle des hommes comme des esthétiques - ne serait plus un vain rêve.
Isabelle Calabre
Vu le 13 janvier 2017 au Théâtre Jean Vilar Suresnes
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