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« Cry Jailolo » d’Eko Supriyanto

Le chorégraphe indonésien signe un manifeste interprété par de jeunes danseurs des îles Moluques, inquiets pour la survie de leur archipel.

C’est une histoire d’utopies: Vivre en harmonie avec son environnement, entouré de mer et de poissons en vivant des ressources naturelles et du tourisme. Mais pour les habitants des îles Moluques cette vision est de plus en plus utopique. L’archipel, situé entre l’Indonésie et la Papouasie, est menacé par les effets du tourisme de masse et la surexploitation par la pêche.

Histoires d’utopies

Les représentations de Cry Jailolo au Musée du Quai Branly - Jacques Chirac s’inscrivent dans la 20e édition du Festival de l’Imaginaire organisée par la Maison des Cultures du Monde. Et c’est une autre histoire d’utopies. La Maison n’a plus de domicile, le loyer ayant franchi le cap de l’abordable, et le Théâtre de l’Alliance française a besoin d’être rénové. Mais le fait de devoir coopérer avec bon nombre de théâtres et musées parisiens correspond parfaitement à l’esprit voyageur du festival. Un mal pour un bien ?

Ce qui pèse plus lourd est de voir qu’une institution qui a tant œuvré pour que nous puissions découvrir et apprécier les expressions de peuples originels, est inquiétée à un moment de l’histoire où elle serait plus nécessaire que jamais. C’est une utopie concrète qui doit aujourd’hui s’adapter aux réalités, au lieu de pouvoir inspirer le monde pour le transformer.

Bancs de poissons Eko Supriyanto, chorégraphe contemporain indonésien d’envergure internationale, pratique les danses de cour javanaises depuis ses sept ans. Mais il a étudié la mise en scène et la chorégraphie à l’UCLA de Los Angeles et travaillé avec John Adams et Peter Sellars.

Cry Jailolo est un hymne aux Sahu, habitants de la baie, et à leur danse traditionnelle, le Legu Salai. C’est dans une sorte de retour aux sources que Supriyanto vient de passer deux ans à travailler avec les jeunes des îles, à s’inspirer de leurs danses traditionnelles et des mouvements des bancs de poissons dans l’eau, pour créer une pièce dans laquelle les danseurs expriment leur solidarité et leur désir de survie culturelle.

Pourtant Jailolo, ville de pêcheurs entourée d’une baie et surplombée de cols verdoyants, est assez isolée. « De Djakarta, c’est quatre heures d’avion, et puis deux heures en bateau », explique Arko Renz, chorégraphe bruxellois d’origine allemande, qui a assisté Supriyanto pendant ce travail en tant que dramaturge.

Le pied gauche en métronome

Cry Jailolo débute et se termine sur un piétinement implacable du pied gauche, rapide et régulier, exécuté en solo, qui pourrait se poursuivre jusqu’à l’effondrement du danseur. Mais cet étonnant métronome humain finit par faire place à une composition musicale imagée et inspirée, où se croisent, comme dans la chorégraphie, des influences traditionnelles et contemporaines.

Les sept garçons se groupent, se détachent, avancent, reculent, marchent, courent ou tournent. Les bustes inclinés voire courbés en demi-cercle. Les genoux pliés et les bras créant des torsions improbables, ils font équipe dans leur mobilité et leur esprit de lutte. L’unisson est de rigueur. Impossible de ne pas penser aux arts martiaux, aux danses haka, à la boxe, aux déplacements d’essaims d’oiseaux ou bancs de poissons.

En phase avec l’Europe

La sobriété est absolue, en l’absence de décors (mais les gradins de fond du Théâtre Claude Lévi-Strauss créent un effet paysage) et grâce à la simplicité des shorts rouges, unique élément vestimentaire. Et chaque fois qu’ils retournent leur mains, quelque chose d’ancestral émane des paumes recouvertes de blanc.

Ni Supriyanto ni Renz, lequel a passé la plupart de ces dernières années en Asie du Sud-Ouest, n’ont suivi l’évolution de la danse contemporaine en Europe où on aime de plus en plus revisiter les danses traditionnelles. Mais leur pièce s’apparente parfaitement à ces quêtes de communauté. Et plus encore. Car le piétinement permanent, le flirt avec transe, épuisement et dépassement qui sous-tendent Cry Jailolo rencontrent le courant minimaliste occidental. L’authenticité des interprètes et leur attachement partagé en plus-value émotionnelle…

Thomas Hahn

Vu le 18 novembre 2016

Chorégraphie : Eko Supriyanto
Avec : Veyndi Dangsa, Greatsia Yobel Yunga, Fernandito Wangelaha, Gerry Gerardo Bella, Noveldi Bontenan, Arzhy Lefry Noky, Fernando Migar
Scénographie et lumières : Iskandar K. Leodin
Musique : Setyawan Jayantoro Dramaturgie : Arco Renz
Costumes : Retno Tan
En coproduction avec la Maison des Cultures du Monde dans le cadre du 20e Festival de l'Imaginaire Musée du quai Branly - Jacques Chirac 37 Quai Branly, 75007 Paris +33 (0)1 56 61 70 00 

Prochaines dates : Le vendredi 25 novembre 2016 à 20:00
Le samedi 26 novembre 2016 à 19:00 Le dimanche 27 novembre 2016 à 17:00

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