Concours de promotion de l'Opéra de Paris
Le Concours de promotion interne du Ballet de l’Opéra national de Paris vient de se terminer pour les femmes. Avec quelques surprises.
Le jury était composé ainsi : Aurélie Dupont, directrice de la Danse, Clotilde Vayer, maîtresse de Ballet associée à la direction de la Danse, Angelin Preljocaj, chorégraphe, directeur artistique du Pavillon Noir à Aix-en-Provence, Helgi Tomasson, Directeur artistique du San Francisco Ballet. Suppléants Irek Mukhamedov, Fabrice Bourgeois. Membres du jurys tirés au sort au sein du Ballet : Léonore Baulac, Mathias Heymann Muriel, Zusperreguy, Anémone Arnaud, Alexandre Labrot. Suppléants : Eleonora Abbagnato, François Alu, Ninon Raux, Fabien Révillon. Il y avait trois postes à pourvoir chez les Coryphées et les Sujets, et un seul poste de Première danseuse.
Les variations imposées étaient plutôt difficiles pour toutes les classes. Les Quadrilles et les Coryphées devaient affronter les Variations de Serge Lifar, une pièce de 1953, sur une musique de Franz Schubert, qui n’a été reprise et présentée que lors du Gala du 20 septembre dernier et que seuls quelques privilégiés ont pu voir. Les Quadrilles avaient hérité de la Première variation, les Coryphées de la Troisième. Si leur complexité chorégraphique n’est pas immédiatement apparente, elle est pourtant bien réelle, et s’y ajoute des nuances de style et de musicalité peu aisées à assimiler, d’autant que les ballets de Lifar ont été peu dansés ces dernières années. Pour les Sujets, la variation du Cygne blanc de l’Acte II du Lac des cygnes est aussi l’une des plus ardues à interpréter techniquement et artistiquement, bien que paraissant assez inoffensive.
La classe des Quadrilles s’est révélée, dans son ensemble, de très haut niveau. Hohyun Kang, et Célia Drouy, respectivement première et deuxième nommées Coryphée, ont été impressionnantes dans la variation imposée ainsi que dans le rôle de Dulcinée / Kitri dans la scène de la Vision de Don Quichotte qu’elles avaient choisi toutes les les deux en variations libre, et dans des interprétations différentes, impériale pour la première, éblouissante pour la seconde. Mais elles étaient également excellentes dans l’imposée. Clémence Gross, la troisième promue, a fait un sans faute dans l’imposée, sans ressortir plus que ça, par contre, son choix de Dogs Sleep de Marco Goecke en varation libre était le bon. Surprenante, d’une force rare dans son interprétation, étonnante de mobilité, dans son engagement physique, hyperconnectée, véloce, elle a su capter le public (et sans doute le jury) de façon inattendue.
Mais on a aussi remarqué Nine Seropian (classée 6e, seulement !), et sa technique d’acier, aussi bien dans Lifar que dans la variation de l’Etoile d’Etudes, Camille de Bellefon dans la variation de l’Etoile, mais de Paquita. Soulignons que peu de Quadrilles auraient choisi de telles variations il y a quelques années vu leur exigence technique. Bleuenn Battistoni a livré une belle Juliette (Roméo et Juliette version Noureev), et Héloïse Jocqueviel nous a étonné avec la variation de la Novice de The Cage de Jerome Robbins. Luna Peigné (classée 4e) a donné une jolie version de Paquita, même si sa batterie pêche un peu. Eugénie Drion (classée 5e) ne nous a pas marqué. On a préféré Ambre Chiarcosso dans La Nuit de Walpurgis de Balanchine par exemple.
La classe des Coryphées semblait, à première vue, moins en forme que les Quadrilles, et la 3e variation de Variations est bien longue, nombre de postulantes ont achoppé sur les mêmes tours, sauf Katherine Higgins (la première à les réussir), Letizia Galloni, et Camille Bon, qui ont réussi à danser cette variation et lui donner un sens autre que scolaire. Letizia Galloni a été promue Sujet, Camille Bon a été classée 4e et Katherine Higgins, superbe aussi dans Le Corsaire n’a été classée que 6e… ce qui semble étonnant. Pour revenir au classement, Letizia Galloni a donc été classée 1ere et promue. Ce qui semble normal, elle a fait un parcours sans faute et a brillé aussi bien dans le Lifar que dans la variation de Diane (de Diane et Actéon d’Agrippina Vaganova). En 2e position, Caroline Osmont, qui a dansé une très jolie variation de la Danseuse en vert de Dances at a Gathering de Jerome Robbins, avec du style, de l’élégance et de la souplesse. En 3e position, et donc promue aussi, Naïs Duboscq dont on n’a sans doute pas apprécié à sa juste valeur sa variation de Dulcinée / Kitri dans la scène de la Vision de Don Quichotte, après les performances d’Hohyun Kang et Célia Drouy.
Enfin, la classe des Sujets concourrait pour un seul poste de Première danseuse, avec pour variation imposée celle d’Odette, qui semble avoir posé des problémes à presque toutes les candidates, notamment dans coordination entre les bras et les jambes, les descentes de pointes, et les cambrés. Disons-le d’emblée, la seule à avoir maîtriser cette variation et à avoir la maturité artistique pour être nommée Première danseuse est Eléonore Guérineau, qui s’est également imposée, haut la main, dans la Première variation d’Other Dances de Jerome Robbins. Mais elle n’a été classée que 4e pour des raisons qui paraissent obscures sinon injustes. Ça doit faire partie des mystères de l’Opéra de Paris… A la place, c’est donc Silvia Saint-Martin qui a été nommée Première danseuse, avec d’ailleurs la même variation d’Other Dances ! C’est une très jolie danseuse, qui a une belle technique, et a réalisé un parcours sans faute à ce concours, même si sa presatation dans le Lac manquait un peu d’assurance et de moelleux. Mais elle était aussi la première à ouvrir la classe des Sujets, ceci expliquant peut-être cela. Donc sa nomination n’est pas usurpée non plus si on oublie Guérineau. Classée 2e, et toujours dans la même variation libre, Roxane Stojanov en a donné une jolie interprétation, mais son Odette n’était pas très brillante. Ida Viikinkoski classée 3e a dansé une Paquita hyper technique, rapide et sans bavure, mais ne semble pas du tout faite pour la variation du Cygne blanc ! Bianca Scudamore (5e) a fait un très joli Concours, avec la variation de la Flûte de Suite en Blanc de Lifar, et un Cygne blanc très lyrique, même si elle est encore un peu jeune pour être Première danseuse. Enfin Marine Ganio a été classée 6e avec de beaux bras dans le Cygne blanc et une variation de Marie de Clavigo de Roland Petit dans un registre dramatique assumé.
Agnès Izrine
Palais Garnier, le 6 novembre 2019
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