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Budget : Les « nouvelles mesures » pour la danse

La Ministre de la Culture, Audrey Azoulay, annonce une revalorisation de certaines aides pour la danse et le cirque. Pour mieux diviser le monde du spectacle ?

Tout  pourrait aller pour le mieux. Nous avons une Ministre de la Culture qui saura se faire aimer des artistes par son naturel ouvert, modeste, proche de leur sensibilité. En annonçant, le 6 juin dernier, de « nouvelles mesures » pour la danse et le cirque, Audrey Azoulay s’est montrée tout à fait crédible dans le rôle de leur grande sœur.

Au cours de son allocution, jolie déclaration d’amour aux arts vivants, elle a cité les spectacles qu’elle venait de voir, et même parlé des paysages du cirque et de la danse sans trébucher ni hésiter en prononçant les noms d’artistes, de compagnies ou d’institutions. Elle a même invité des artistes chorégraphiques (Orin Camus, Chloé Hernandez) à donner, avant et après son annonce de « nouvelles mesures » pour la danse et le cirque, dans les salons du Ministère de la Culture, deux de leurs duos présentés dans le cadre du festival June Events.
 

2.6 millions d’euros de « nouvelles mesures » pour la danse

La ministre annonce donc « un renforcement du soutien à la danse et aux arts du cirque »: Deux millions d’euros supplémentaires vont à la danse pour l’accueil studio ou autres résidences, et 0.6 millions aux compagnies conventionnées. Une « revalorisation » qui a donné un petit sourire aux acteurs de la danse et fait grincer les dents côté cirque qui doit se contenter de « 665 000 € de crédits nouveaux en 2016 pour les compagnies », fait déjà connu par les professionnels qui avaient espéré de véritables nouvelles.  Ca viendra peut-être, car « il est envisagé en 2017 de mieux soutenir les pôles nationaux des arts du cirque. »

Côté danse, la ministre annonce en outre qu’en 2017, « pour la danse, les efforts porteront sur les scènes conventionnées et les festivals dédiés qui apportent des soutiens importants à la création, à la diffusion internationale, à l’élargissement des publics. » Trop tard pour la Biennale de la Danse de Lyon, qui a été contrainte de revaloriser - mais à la baisse ! - ses apports en tant que coproducteur.
 

Les  « compagnies à rayonnement national et international »

C’est entre les lignes que la ministre nous confirme cette étrange division des secteurs du spectacle. Il y a désormais les « compagnies à rayonnement national et international » - et les autres. On n’en sait pas plus concernant les critères  qui ont guidé les choix, vu que « sous les ors de la République », nous sommes invités à écouter, mais pas à poser des questions. Par contre, on y danse contemporain, maintenant.

Voici donc la liste ministérielle des  douze « compagnies à rayonnement national et international » qui voient leurs subventions augmenter (de combien ? Ou même pas ?): « Maguy Marin, Carolyn Carlson, Jean-Claude Gallotta, François Chaignaud/Cécilia Bengolea, Gisèle Vienne, Anne Nguyen, Jérôme Bel, Philippe Decouflé, François Verret, Emmanuelle Huynh, Maud Le Pladec et enfin Arcosm, codirigée par Thomas Guerry et Camille Rocailleux qui créent pour le jeune public. »

Côté cirque: « Le Cirque Plume, le collectif XY, Phia Ménard, Mathurin Bolze, Les Colporteurs. » Mais d’après la ministre, « plusieurs autres compagnies verront également leurs subventions réévaluées. » Le jeu du  « pourquoi eux et pas nous » peut commencer.

Donc, pourquoi pas les compagnies - pas moins rayonnantes - de Josette Baïz, Chantal Loïal, Brumachon/Lamarche, Luc Petton, Kitsou Dubois ou Nathalie Pernette, pour ne citer que quelques-unes ? Et si c’étaient elles au lieu des compagnies choisies, il faudrait bien éliminer, hormis les incontournables que sont Carolyn Carlson, Maguy Marin, Jean-Claude Gallotta ou Philippe Decouflé, quelques-uns des artistes désormais labellisés. Mais lesquels...? Et puis, ne faudrait-il pas prendre le problème à la racine et aider les compagnies dans leur ensemble à mieux diffuser leurs créations ?
 

Le vrai problème : L’intermittence

Ces « nouvelles mesures » sont politiques avant d’être financières. Plus il y a d’hiérarchisation, plus il y a de jalousie, et moins il y a de mobilisation commune. L’annonce de quelques « nouvelles mesures » (mais une « nouvelle mesure » peut en cacher d’autres qui disparaissent) peut-elle calmer les inquiétudes, de plus en plus vives, autour du régime de l’intermittence ? Un accord vertueux, réalisant des économies sans pénaliser les artistes, a été négocié, mais Medef,  CFDT et autres refusent  de  l’entériner. D’où la brève occupation du siège du Medef et les violences policières à l’encontre des intermittents qui ont choqué le monde du spectacle.

Le but du gouvernement est évident : Il faut éviter que les festivals de l’été soient de nouveau perturbés par des mouvements de grève. Tout le monde partage ce souhait. Mais sans pérennisation du régime de l’intermittence, on risque fort d’avoir un déjà-vu. Pérenniser l’assurance-chômage des intermittents est autre chose que rendre leur régime dépendant d’une rustine financière, généreusement  accordée par le Ministère de la Culture. Les artistes et techniciens du spectacle ne savent que trop bien que ce lot de consolation disparaîtra dès 2018.

Le gouvernement tente de vendre sa prise en charge du prétendu « déficit » des Annexes 8 et 10 (apparaissant sous l’appellation de « différé d’indemnisation ») comme une solution pérenne. C’est refuser d’envisager le monde d’après les élections de 2017. On peut comprendre. Pour le gouvernement actuel, les prochaines élections auront un goût de « fin du monde ». Mais pour les intermittents, la vie continuera.

Le risque que les « partenaires sociaux » puissent jeter à la poubelle un accord vertueux et négocié par un comité d’experts à dimension historique (pendant que le gouvernement  s’en lave les mains et  se présente en sauveteur des intermittents du spectacle)  est très élevé. Mais seule la pérennisation véritable du régime de l’intermittence décidera in fine de la crédibilité d’Audrey Azoulay, au-delà de ses paroles chaleureuses et des applaudissements qu’elle adressa et adressera encore aux artistes.

Thomas Hahn
 

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