Bouziane Bouteldja : Création de « Telles quelles / Tels quels »
Présentée en ouverture de Suresnes Cités Danse, cette pièce pour cinq interprètes marocains et deux Français redonne au hip hop sa charge subversive.
Telles quelles / Tels quels : La promesse avancée par le titre ne reste pas lettre morte. Les jeunes interprètes, marocains pour la plupart, dansent pour parler d’eux-mêmes, avec une véracité et une franchise saisissantes. Par la danse, ils ne cherchent pas l’exploit acrobatique, mais une liberté d’expression face à l’autorité, qu’elle soit politique, religieuse ou gravitationnelle. On fait la fête et les jambes sont autant des guitares que des ouds (façon « air »). Passant de la guitare électro-acoustique à l’oud et au violon baroque, la musique, en partie jouée sur le plateau, fait naturellement partie de cette vie, où on savoure des instants prolongés en freeze ou au ralenti. Suspense et suspensions…
Bouteldja orchestre les tableaux et les ambiances pour parler du réel, tel un Alain Platel du hip hop. Dans un décor de chantier ou de terrain vague s’y dessinent des conflits avec les compatriotes intégristes, des ambiances de manifestations et des volontés inébranlables de tenir telle ou telle position, sur la tête ou à genoux…
A travers ce portrait collectif d’une jeunesse en quête de liberté, Bouteldja laisse se construire une énergie sous-jacente, où quelque chose se forme et se prépare, dans l’impatience des revendications. Car si l’humour et la joie sont au rendez-vous, la pression et même la violence prennent rapidement le dessus. Mais ce groupe ne se laisse pas abattre…
Subversif au sens originel du terme, Telles quelles / Tels quels rend hommage au désir de liberté et à une jeunesse à la fois fragile et rebelle, poétique et révoltée, en quête d’une vie heureuse et partagée. On avance ensemble, la main sur l’épaule de l’autre, on s’éclate et réclame des bisous. On se jette dans une course effrénée, et rebondit en arrière, atteint au buste ou à la tête. Les chocs, violents, se répètent inlassablement.
Et pour la première fois, dans un spectacle de hip hop autour des émotions et du quotidien de la jeunesse marocaine, les femmes sont aussi visibles et marquantes que les hommes. C’est une revendication en soi.
Galerie photo © Laurent Philippe
Telles quelles / Tels quel est un acte poétique et politique encore en devenir. La version présentée à Suresnes Cités Danse, d’environ quarante minutes, grandira pour pouvoir tenir l’affiche d’une soirée de danse en toute autonomie. La qualité de l’écriture et de l’interprétation révèlent d’ores et déjà un potentiel fort et permettront largement de passer à une durée d’une heure. Pourtant, la version proposée en ouverture de Suresnes Cités Danse est d’un équilibre parfait et suggère la possibilité d’exploiter deux versions de durées différentes.
Thomas Hahn
28eédition de Suresnes Cités Danse, le 11 janvier 2020, Rueil-Malmaison, Théâtre André Malraux
Direction artistique et chorégraphie : Bouziane Bouteldja
Danse : Mouad Aissi, Allison Benezech, Zineb Boujema, Soufiane Faouzi Mrani, Naïs Haïdar, Fatima Zohra El Moumni et Redouane Nasry
Création lumières : Pocho Epifanio
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