Bollywood à Chaillot : Couleurs et rythmes en abondance
A Passage to Bollywood d’Ashley Lobo: Le cinéma indien porté à la scène, parfois au second degré.
Une histoire d’amour, un jeune homme plein d’illusions qui quitte son village, rêvant d’une carrière d’acteur dans l’industrie du cinéma de Bollywood, un triple meurtre en pleine fête de mariage… Pour faire un spectacle de danse en mode Bollywood, il faut du drame, du sentiment, de la musique et surtout des unissons. Le chorégraphe Ashley Lobo et sa troupe du Navdhara India Dance Theatre tournent depuis plusieurs années avec A Passage to Bollywood, grande fresque inspirée des codes du cinéma indien, forgés à Bombay depuis les années 1930.
Ces films sont produits dans des décors naturels et architecturaux somptueux, permettant au public d’oublier leur quotidien. Si la devise de Hollywood est le « bigger than life », Bollywood pourrait revendiquer le « plus grand que vos rêves ». Les lieux sur lesquels se déroule A Passage to Bollywood vont dans ce sens, mais reflètent aussi la réalité sociale et les contrastes qui finiront par perturber le bonheur amoureux. Car Ashley Lobo porte un regard tout à fait distancié sur le genre, en refusant aux protagonistes et au public le happy-end attendu, déjouant ainsi le kitsch sentimental du genre – lequel revient pourtant sur le plateau, mais au deuxième degré.
Pour assurer un rythme cinématographique des cuts, le spectacle fait logiquement appel aux projections, pour d’énormes tableaux peints dans un style à la fois photographique et poétisant, représentant tantôt la cour d’un palais, tantôt un jardin luxuriant ou bien un garage de réparation de voitures. Aussi le côté carte postale, indispensable pour charmer nos envies d’exotisme, est assuré sans tomber dans l’excès. Et puis, il y a les costumes, les danses et le chant, domaines où la scène peut a priori rivaliser avec le cinéma. Mais dans un scénario de film, la danse met les points d’orgue, libérant les émotions bouillonnantes attisées par la force de séduction et les aventures, heureuses et malheureuses, des protagonistes.
Galerie photos © Laurent Philippe
Dans un spectacle de danse, tout s’inverse. Les parties théâtrales interrompent la danse, mais sont indispensables pour faire avancer l’histoire vers son dénouement tragique. Et ce chemin est semé d’embuches, dans la vie (on ne sait finalement pas si le fait divers relaté s’est réellement produit ou pas) comme sur scène, où les transitions entre tableaux et musiques sont légion (et souvent réalisées de façon bancale), mais mises à mal par des fade-out musicaux précipités et des enregistrements musicaux de qualité sonore très inégale.
Quant au casting chorégraphique, il ne correspond pas non plus aux standards de Bollywood, sans que l’on sache si ce refus de certaines normes esthétiques est volontaire ou pas. On n’est donc pas à Mumbai ni au Graal rêvé du cinéma, mais bien en passage, sur une route encore longue mais animée d’une énergie très communicative et son déluge de couleurs. A la fin, on a même vu quelques spectatrices se lever et danser sur l’appel chanté à la « goodja », la joie de vivre…
Thomas Hahn
Vu le 11 décembre 2021, Chaillot Théâtre National de la Danse, Salle Jean Vilar
Jusqu’au 25 décembre
https://theatre-chaillot.fr/fr/saison-2021-2022/passage-bollywood
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