Bio : Dominique Bagouet
Rien ne semblait destiner ce jeune homme de bonne famille, né le 9 juillet 1951 à Angoulême, à incarner, jusque dans sa mort trop précoce, le 9 décembre 1992, l'histoire de la Jeune Danse Française. Pourtant, chacune des inflexions de la carrière de celui qu'un critique qualifia un jour de "petit prince de la danse française", correspond aux évolutions de la création chorégraphique et de ses institutions. Quoiqu'il ait toujours voulu s'en défendre, Dominique Bagouet n'a pas pu éviter d'être le symbole d'une nouvelle danse dont il ne cherchait pas à être le leader. C'est en 1965 qu'il entre dans l'école que Rosella Hightower a ouvert, à Cannes, quelques années auparavant. Il y reçoit une solide formation classique, mais très ouverte, qui lui permet de trouver en 1969 son premier engagement chez Alfonso Cata qui est alors à la tête du Ballet de Genève. L’année suivante il danse dans la compagnie de Félix Blaska puis entre en 1971 au ballet du XXe siècle de Maurice Béjart. L’expérience dure deux ans et se prolonge dans le groupe Chandra (où travaillait aussi Maguy Marin). De retour à Paris en 1974, il prend des cours avec Carolyn Carlson et Peter Goss. Il danse aussi un peu dans la compagnie que Joseph Russillo vient de créer avant de partir, fasciné comme ceux de sa génération, aux États-Unis. Il suit les cours de Jennifer Muller, Lar Lubovitch, Maggie Black, etc.
Il en revient, en 1976, pour créer Chanson de nuit, remporter Bagnolet – ce concours mythique où se forge, de 1968 à 1985 l'esthétique de la danse hexagonale – et constitue sa propre compagnie. Sa carrière est lancée, elle regroupe tous les ingrédients de ce que l'on ne va pas tarder à nommer la Jeune Danse Française. Jusqu'à Sous la Blafarde, en 1979, quatorze pièces se succèdent… Le jeune chorégraphe est reconnu mais épuisé, contraint à une course en avant faute de structures adéquates pour lui permettre d'installer sa compagnie. C'est le jeune maire de la ville de Montpellier, Georges Frêche, qui lui donne la solution en l'accueillant. Dominique Bagouet y jette les bases d'une institution qui va faire florès, le Centre Chorégraphique, devenu National (CCN) en 1984, outil de création dévolu à un chorégraphe. A Montpellier, Dominique Bagouet crée ses pièces les plus marquantes, d’Insaisies (1982) jusqu’à Necesito (1991) avec quelques chefs-d'œuvre comme Déserts d'Amour (1984), Assaï (1986), hommage ironique à toutes ses sources d'influence, Jours Etranges et So Schnell, pièce teintée d'autobiographie et créées l'une et l'autre en 1990.
Toutes ces pièces sont marquées par un style gestuel très particulier, recherché et précis qui sera parfois qualifié de « Baroque-contemporain ». L'époque est aussi à la redécouverte de la « Belle danse » grâce au travail de Francine Lancelot. La démarche chorégraphique de Dominique Bagouet compose le mouvement de très nombreux petits gestes très fins et d’une redoutable précision. Autre constante, le chorégraphe a toujours su s’entourer d’artistes au talent reconnu : Boltanski (Le Saut de l’ange), ou les compositeurs Pascal Dussapin ou Tristan Murail.
En 1982 il reprend le Festival International Montpellier Danse (fondé en 1981), qu'il dirigera jusqu'en 1983. Chevalier des Arts et des Lettres, il reçoit en 1989 le Grand Prix National de la Danse. Il a signé plus de quarante œuvres, dont une mise en scène, une vidéo, un film, et plusieurs collaborations à des projets collectifs. L’influence de Bagouet tient aussi au nombre de chorégraphes qu’il a directement influencés voire contribué à faire émerger : Christian Bourigault, Hélène Cathala, Olivia Grandville, Dominique Jégou, Michel Kelemenis, Angelin Preljocaj, Fabrice Ramalingom, Michèle Rust, Genviève Sorin, et la liste est encore très longue. C’est peut-être à cet aune qu’il faut mesurer son influence sur la danse d’aujourd’hui.
Après la mort du chorégraphe, une association : Les Carnets Bagouet, s'est chargée de préserver et transmettre le patrimoine artistique du chorégraphe disparu. C'est ainsi que Assaï a été remonté au festival de danse de Montpellier en 1996, par des danseurs tous proches de Bagouet, qui se sont basé sur la mémoire de ses interprètes et des rares témoignages vidéo. Grâce à ce travail de nombreuses pièces du chorégraphe sont maintenant inscrites au répertoire de troupes très diverses et dans la mémoire de très nombreux danseurs et spectateurs.
Philippe Verrièle
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