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Bien Fait ! #5 à Micadanses

La 5e édition du rendez-vous de la rentrée à Micadanses creuse des questions autour de la mémoire.

« Bien fait ! est le festival des résidents, qui permet de suivre jusqu’à la soirée de création certains projets, souvent sur une période longue », dit Christophe Martin. Cette 5eédition, c’est certain, restera dans la mémoire de tous, si particulière en raison de ce l’on appelle aujourd’hui la « situation sanitaire ».. Il va falloir faire avec, et surtout, bien faire. « il s’agit bien, avant tout, de retrouver une énergie, de relancer l’activité, de rencontrer à nouveau les artistes sur scène et de revoir les spectateurs dans nos salles », explique le directeur de Micadanses. 

On le sait, à Micadanses l’écriture chorégraphique est un critère-clé. Des actes plutôt que des discours, des enchaînements plutôt que des théories, dans la diversité des recherches personnelles et originelles, avec, dans le résumé-éclair de Martin, « une danse théâtrale marquée par l’écriture de Raymond Carver pour Sophie Bocquet, une passerelle avivée entre danse baroque et contemporaine pour Bruno Benne, la re-visitation de la figure de Salomé pour Andrea Sitter, la rencontre relancée autour d’expériences communes parfois historiques pour Jean Christophe Boclé et Jean Christophe Paré, une abstraction incarnée pour le quatuor féminin de Jesus Sevari, l’exploration de ritournelles dansées empreintes de danses populaires pour Karima El Amrani… 

Ces personnalités chorégraphiques forgent leurs styles, et ont été forgées par les danses qu’elles ont rencontrées. Dans Practicability de Maria Jesus Sevari, il est question de « paysage chorégraphique », de « saturations » ou encore de « visions d’un chaos », de ce qui s’efface et de ce qui irrigue et persiste, notamment dans le vocabulaire chorégraphique, en écho à Laban, Nijinski, Duncan, Béjart, Cunningham, pour parler de « mémoires personnelles et historiques ». Si la Chilienne se laisse ainsi traverser par l’histoire de la danse au XXe siècle et fait résonner cent ans de création chorégraphique, Bruno Benne, lui, triple la mise en poursuivant son dialogue avec la danse baroque. Trois siècles après son essor, celle-ci nous charme encore. Et même une Karima El Amrani, qui signe son premier solo, consacre sa création aux danses qui ont traversé son corps et ses émotions, et donc à sa mémoire chorégraphique. 

Autrement dit, la danse n’est pas forcément aussi éphémère qu’on dit ! Mais le travail de Bruno Benne n’a rien de muséal. Au contraire, dans Caractères_5, il réunit autour de lui les quatre figures dominantes de l’approche actuelle du langage chorégraphique baroque, à savoir Francine Lancelot, Marie-Geneviève Massé, Béatrice Massin et Hubert Hazebroucq qui ont accepté d’écrire des solos qu’il interprétera en première mondiale. Il ne manque au tableau que Jean-Christophe Boclé qui lui aussi a son histoire avec la danse baroque, aux côtés de Francine Lancelot notamment. Dans son Entretien chorégraphique, il dialoguera, par les mots et par la danse, avec Jean-Christophe Paré, qui était, entre autres, ancien premier danseur de l’Opéra de Paris et directeur du CNSMD. Aucun doute que les deux auront des choses passionnantes à se dire…

Oui, on a longtemps vu la danse comme un art de l’instant et de l’oubli, mais elle est de fait un art de la mémoire. Andrea Sitter [lire notre interview sur Juste au corps, Salomé] aussi est une mémoire chorégraphique vivante,  formée, après ses débuts dans le classique, auprès d’Alwin Nikolaïs, Carolyn Carlson, Mathilde Monnier, Dominique Mercy ou encore Pina Bausch, dansant ensuite pour Joseph Russillo, Anne-Marie Reynaud, Odile Azagury, Dominique Boivin, Jean Gaudin et François Raffinot. Ses propres solos aussi sont des repères. Dans Juste au corps, Salomé, elle navigue entre le mythe de la princesse sulfureuse (version Oscar Wilde), Valeska Gert et Hannah Arendt, et bien sûr sa propre manière de lier, au 3degré, Gestus aristocrate et subversion du bon goût bourgeois. (lire notre critique)

A cette toile tissée verticalement à travers l’histoire de la danse au cours de Bien Fait ! répond une autre, horizontale. C’est d’abord la complicité entre Micadanses et d’autres manifestations chorégraphiques, par un partenariat avec Danse Dense pour une plateforme professionnelle et avec Petites Scènes Ouvertes, pour le quatuor Plateaux d’Harris Gkekas, qui interroge la notion deleuzienne du corps sans organes. Fil très souterrain : Le Danube. Tel est le nom de la compagnie d’Andrea Sitter, fondée bien qu’avant cette humoriste de la danse ne participe aux exploration artistiques en Europe de l’Est du projet Tumulus, sur les rives du Danube et bien au-delà. C’est dans ce cadre qu’elle avait rencontré Sophie Bocquet qui crée ici, pour Bien Fait !, un quatuor autour de l’univers instable de l’écrivain américain Raymond Carver : Pas de promesse aujourd’hui.

Ce qui résume parfaitement les conditions sous lesquelles se tiennent les festivals de danse en cette étrange période. 

Thomas Hahn

Micadanses - Bien fait ! 2020, du 11 au 18 septembre

 

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