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« Barulhos » de Bouba Landrille Tchouda

La MC2 de Grenoble (pléonasme) a donné en primeur une création de Bouba Landrille Tchouda et de la compagnie Malka, Barulhos, titre livré en langue lusitanienne – et brésilienne, le chorégraphe ayant un faible pour ce pays –, Saison France-Portugal oblige.

Barulhos signifie en premier lieu bruits et a d’autres connotations allant du bruissement au vacarme, voire au tapage – diurne ou nocturne –, au barouf, au bazar, au ramdam. Au tohu-bohu ou, pour rester dans le domaine de la danse, au chahut et à toutes les formes d’agitation. Le chorégraphe part habituellement d’images, nous a-t-il confié. D’images qui s’imposent à lui et qu’il transpose sur scène en danse. Un des paradoxes de Barulhos est que pour une fois, la source d’inspiration soit avant tout sonore. Un autre, qui en découle, si l’on peut dire, est qu’au lieu de se passer de décor, comme il a de plus en plus tendance à le faire, il ait agréé la suggestion de son lumiériste attitré, Fabrice Crouzet, d’empiler à l’arrière-scène une brocante de baffles de diverses époques pouvant rappeler ceux qu’utilisait Pierre Henry dans ses concerts privés ou publics – nous avons en tête celui du musée de Cluny, dit du Moyen Âge, au bon vieux temps de Paris quartier d’été et celui présenté dans une des cellules des Pompes funèbres de la ville, lors de la première – et authentique – Nuit blanche, lieu rebaptisé 104 depuis.

Ce mur du son, si on peut se permettre d’utiliser cette expression chère à Phil Spector, est, troisième paradoxe, un mur du silence. Le son destiné à la galerie devient mutique ou presque – trois haut-parleurs seulement sur plus d’une soixantaine réquisitionnés ont été allumés, mis à contribution pour donner du relief à la B.O. d’Yvan Talbot. Ce parti étant pris, la danse débute, cela va de soi, dans la pénombre. Peu à peu, on dénombre une demi-douzaine d’interprètes qui se protègent des intempéries ou de la climatisation de la grande salle de spectacle René Rizzardo vêtus de coupe-vent mordorés produisant un léger froufrou. Une rumeur de faible intensité tient lieu de fond sonore, qui sera interrompue par le silence total. La lumière dirigée sur les danseurs réchauffe le sextet et permet au public de mieux les distinguer et de les classer par genre. La parité hommes-femmes n’étant pas tout à fait respectée puisque l’on compte deux danseuses (Liesbeth Kiebooms et Julia Derrien) pour quatre partenaires masculins (Antoine Bouiges, Hugo Ciona, Killian Drecq et Jules Rozenwajn).

Galerie photo © D.R

Suit un brouhaha de voix humaines, collage sonore visant, selon Bouba, à rapprocher « des langages, des communautés, des hommes, à travers l’énergie de la danse hip hop. » De la danse tout court, pourrait-on dire, le hip hop étant esquissé, esquivé, dépassé, stylisé par un métissage de courants qui ont traversé les danses du XXe siècle. Le savoir-faire, autrement dit l’art de Bouba atteint à la perfection, avec les moyens les plus simples, les plus purs de l’art du silence qu’est, cela s’entend, la danse. Avec une compagnie entièrement renouvelée composée d’intermittents épatants, se donnant à fond sur scène, prenant quelquefois des risques réels, alternant suites gestuelles on ne peut plus fluides, brisures, ralentis, gels du mouvement, figures chorales géométriques, pas de deux, portés, sauts et chutes à gogo, travail au sol. Tous, danseurs, musicien, éclairagiste, chorégraphe, ont le même sens du rythme. Bouba laisse s’exprimer l’impromptu, l’imprévu, en l’occurrence un solo mémorable de Jules Rozenwajn. Le finale enthousiasme le public de tout âge, qui prend la forme d’une traversée continue du plateau, de jardin à cour.

Nicolas Villodre

Vu le 12 octobre 2022, à la MC2 de Grenoble

Prochaines dates :
13 et 14 octobre 2022 / Château Rouge, Annemasse (74)
18 octobre 2022 / Théâtre Jean Vilar, Bourgoin Jaillieu (38)

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