« Amour Amor » par le Ballet du Capitole
Autour d’un thème qui fait toujours recette, la soirée « Amour Amor » se composait de deux œuvres que le Ballet du Capitole fait entrer à son répertoire. En création mondiale, Les Liaisons dangereuses sont une adaptation du roman épistolaire de Choderlos de Laclos. Perruques poudrées, blanc de céruse sur le visage, paniers sur les hanches pour les dames, et l’ambiance XVIIIe est évoquée en quelques touches par Davide Bombana. Ce chorégraphe, actif en Italie et en Allemagne, est épris de littérature au point de vouloir adapter prochainement Le Procès de Kafka après avoir affronté Faust, Carmen et Médée. Pour Les Liaisons il a pris le parti de transposer sur la scène l’intrigue et les personnages du roman complexe de Laclos. En une heure il raconte donc les manipulations perverses de la marquise de Merteuil, exerçant son pouvoir sur son amant, le vicomte de Valmont, qu’elle pousse à séduire la prude Mme de Tourvel et l’innocente Cécile Volanges.
Galerie photo : David Herrero
Le problème, c’est que, raconté comme ça, on a bien le scénario des Liaisons de Bombana, mais on est loin des subtilités de celui de l’écrivain. Certes, rendre témoignage des psychologies chaotiques de chacun des personnages n’est pas entreprise aisée, comme l’est encore moins de rendre la portée d’une œuvre qui reflète, avant toutes choses, le pouvoir que peuvent avoir les mots. Les Liaisons dangereuses de Bombana déploient donc une fresque peinte, à grands coups, du rouge de la passion, du noir de la jalousie et du jaune du dépit, essentiellement portée par le personnage de la marquise en mante (très peu) religieuse. Dans un enchaînement précipité de scènes et de situations, le ballet narratif dispense une abondante chorégraphie de mouvements centrifuges, de tours et d’arabesques, pimentée d’une pincée de gestes érotiques à peine suggérés. Les danseurs du Capitole défendent vaillamment la pièce, en s’acquittant des difficultés techniques, et en tenant, sur la longueur, une éprouvante dépense d’énergie.
Galerie photo : David Herrero
En seconde partie on eut le parti inverse. Dans sa version de l’Amour sorcier Thierry Malandain s’est relativement peu intéressé au livret originel du compositeur espagnol Manuel de Falla qui y exprimait, en 1916, sa fascination pour le monde des gitans et du flamenco. Les trois rôles principaux, le jeune homme, la jeune femme et le revenant, sont confiés à l’ensemble des danseurs qui interprètent en unissons la sinueuse partition de de Falla.
Galerie photo : David Herrero
Ici c’est moins l’intrigue amoureuse qui est traitée que l’image du feu, prise comme métaphore de l’amour, pour sa vitalité, sa chaleur, ses brusques éclats et ses disparitions soudaines. Le chorégraphe de Biarritz évite soigneusement la reconstitution historique, tout comme il contourne le cliché de l’espagnolade. Un poignet qui se tord, une hanche qui s’arrondit, suffisent à donner un peu de couleur locale à cet Amour Sorcier, au style par ailleurs tranchant, âpre comme les collines d’Andalousie, tendant à l’abstraction des lignes et des masses.
Au cœur de l’œuvre, une danse des foulards fait bondir le feu des corps en un brasier concentrique. L’interprétation du ballet du Capitole est impeccable et rend hommage, par sa clarté et sa lisibilité, aux qualités de la chorégraphie.
Dominique Crébassol
Du 2 au 5 avril au Casino-Théâtre Barrière, Toulouse
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