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« Afectos » de Rocío Molina

Elle est libre, ne s'enferme jamais. Sauf en son domicile. Dans Afectos, Rocío Molina nous invite en son séjour qu’elle partage avec La Tremendita, chanteuse longiligne aux allures de danseuse.
Afectos est une rêverie nocturne, et on ne rêve jamais aussi bien que chez soi. Aussi elle rentre, met la lumière et s'installe sur une chaise, caressant une guitare. Les fesses bien posées, elle s'envole. Dansé assis, le flamenco devient aérien. Molina est chez elle. Au fond du salon, on distingue un porte-manteau. A droite, le contrebassiste lui sert de miroir et La Tremendita n'en fait pas moins. Est-ce une critique adressée à son milieu ?

Beaucoup de solistes flamencos aiment se regarder danser. Pas Molina. Elle s'adresse à l'autre, jamais à elle-même. Le face à face est son ancrage sur scène. Avec La Tremendita, elle se livre des duels de percussions corporels, de gestes ou de murmures. Mais ses estocades ciselées rappellent qu'elle est la dépositaire d'une longue tradition. Puissance, rapidité et précision font le lien entre hier et demain.
Vue comme une métaphore, la scénographie d'Afectos véhicule un message de liberté. En terre flamenca, Molina évolue de plein droit. Le flamenco est sa maison, elle est chez elle, elle est libre. Elle l'affirme par cette scénographie et par les multiples excursions vers d'autres univers, où chaque tableau bouleverse les conventions..
 

Tout de noir vêtue, elle se glisse dans la peau d'une Valeska Gert andalouse, si bien qu’on se croirait dans un film de Murnau. Le pari est audacieux, le résultat époustouflant. Autre exemple. Dans un bac carré posé au sol, elle invente le zapateado horizontal, à la manière d'un Galvan au féminin, tout aussi épurée. A travers le flamenco, elle sait tout évoquer, du jazz au baroque, du hip hop au butô, en s'appuyant sur les compositions de Pablo Martin.

Sans caisson, écrite pour guitare et contrebasse, la musique participe pleinement de la prise de liberté. Et La Tremendita est partout, dans son fauteuil de cuir ou en dansant, palmas et zapateado à l'appui, tel un alter ego de Molina. Ici, le flamenco permet aux deux femmes de se pousser plus loin, toujours plus profondément en elles-mêmes, sans fard et sans se cacher derrière les codes du patrimoine vivant.

Au contraire, Molina creuse jusqu'à arriver au code-source. Sa connaissance du flamenco est si profonde qu'elle peut voyager à l'infini sans quitter ses terres d'origine. Qu'elle danse le rock'n'roll ou le sabar, elle restera parfaitement flamenca. On commence à comprendre qu’avec elle, tout peut arriver, qu’elle est prête à aller sur tous les terrains. Si parfois elle peut aussi s'égarer, elle signe avec Afectos un véritable manifeste qui coule de source.

Thomas Hahn

le 21 mars 2015 Biennale de danse du Val-de-Marne, Pôle Culturel d'Alfortville

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