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43e édition du festival Montpellier danse

Exercice nouveau, le directeur du festival Montpellier danse présentait l'édition 2023 à Paris dans un café du quartier latin. Et comme un vieux chat caressant et griffant à la fois, Jean-Paul Montanari a l'art d'en dire beaucoup sans le dire jamais vraiment mais tout en le disant et de présenter une édition qui s'annonce singulière et importante mais présentée comme si tout cela coulait de source. Du grand art dans le félin. 

Il est tapi derrière la table qui occupe le fond de la salle haute du café Les Editeurs. L'atmosphère de bois vernis et les livres des bibliothèques enrobent de ce sentiment de confort que les Britanniques appelle le « cosy » et lui prend ces mines de vieux matou matois affûtant quelques coups de pattes faussement vachards : « je ne vous présente pas Jean-Claude Gallotta. Et puis si, je vous le présente. Il y en a parmi vous de trop jeunes pour le connaître ! ». Et Jean-Paul Montanari sait à l'évidence que tout le monde connaît le chorégraphe qui s'esclaffe et personne ne se sentant visé, tout le monde en rit. Le vieux chat maîtrise à la perfection.

Ainsi, cet art de prétendre n'avoir pas fait de programmation. A l'entendre, ce 43e festival de Montpellier s'est fait tout seul sans qu'il n'y ait rien apporté. Gallotta se présente parce qu'il a envie de remonter Ulysse (1980) – les 3 juillet à 22h – alors que Jean-Pierre Alvarez et Sarah Matry-Guerre ont proposé de remonter Déserts d'Amour (1984) de Dominique Bagouet – le 4 juillet, mais à 18h – et qu'Angelin est par là. « Parce que c'est Angelin et puis il propose un résumé parfait du festival, avec deux reprises encadrant une création. Je n'ai pas le titre de la création » précise le matou. Les reprises : Annonciation (1995) et Noces (1989), excusez du peu et sera pour l'ouverture du festival, le 20 juin. Et la création : on verra. Bon et bien allons-y, l'air chorégraphique du temps est à la reprise et à l'exploration du répertoire des années 1980. Ce sera donc le thème du festival 2023. Pas le moindre soupir et aucun apitoiement sur la difficulté de l'affaire, juste un coup de patte aux programmateurs que cette attention à l'histoire retient de s'engager. Raminagrobis est magnanime dans le bourre-pif élégant : il ne force jamais la dose, mais ne manque aucune occasion. Alors, comme le Tanztheater Wuppertal tourne la reprise de Palermo Palermo (1989) et que Montpellier est jumelé avec la ville sicilienne, voilà une belle affiche – le 29 juillet – pour un festival année 1980… Et au passage petit coup de patte à Dame Pina qui ne voulait pas (ou du moins n'a rien fait) pour venir à Montpellier préférant Avignon, et re-coup de patte. Et puisque Boris Charmatz dirige dorénavant la prestigieuse institution, autant qu'il reste sur place et qu'il redonne son A Bras le corps (1993) – le 2 juillet – cela permettra à Dimitri Chamblas, son partenaire dans cette affaire de montrer Slow Show le 24 juillet. Rien de bien compliqué à tout cela.

« Mais ne vous inquiétez pas, il y a aussi des créations » et le greffier soudain caressant rassure Nadia Beugré. La chorégraphe ivoirienne, en partie installée à Montpellier, pour témoigner d'une assurance sans borne en scène, ne se livre pas de premier abord dans l'exercice de la conférence de presse. Comme un diesel, il lui faut un temps de chauffe et se sentir en confiance. Alors la voilà lancée, accompagnée, partie et qui raconte les transgenres d'Abidjan, leur personnalités fantasques et leur goût du flamboyant autant que la difficulté à vivre. C'est toute la force de cette chorégraphe, entière et puissante, qui soudain s'impose et ce Prophétique (On est déjà nées) – le 21 juin – qui veut « transposer sur le plateau » une lutte quotidienne s'annonce aussi en fête. Le matou rassure Nadia Beugré depuis 2017 : pas la simple fidélité, la présence : « je suis les artistes. Quand j'ai programmé une pièce je ne sais pas ce que cela va donner, je suis comme vous. Mais je ne laisse pas tomber parce que cela n'était pas abouti ». Cela semble si facile que d'un ronronnement le gros chat arrête la chorégraphe devenue plus prolixe qu'un bateleur et au bout de la table, Dalila Belaza. Evidemment, la sœur de Nacera connaît parfaitement le festival. Mais il faut un certain acte de foi pour l'accueillir avec, d'emblée, une pièce pour dix interprètes, issue de rencontre avec des danseurs traditionnels, mais transposée ! Rive – le 26 juillet – est une création qui témoigne d'un certain tempérament de la part du programmateur, lequel ne le souligne surtout pas. Programmer n'a rien de compliqué…

Il faut qu'une question le pousse pour qu'il admette qu'inviter le 10000 gestes de Boris Charmatz – le 24 juin – au Corum et ses 1700 places est un certain pari risqué. Il en faut une autre pour qu'il reconnaisse que les restrictions financières des tutelles posent des problèmes sérieux et qu'il va falloir faire aussi bien avec moins. Mais comme il le dit « Cette édition aurait dû résonner du bruit et de la fureur du monde… » et puis, non, c'est inélégant ce que n'accepterait jamais un chat. Ce n'est décidément pas le genre de se plaindre et c'est tout un art de faire croire qu'il n'y a aucun art à faire un festival.

…Rugir ou miauler, si c'est sa propre nature,

C'est une vie qui œuvre pour le bien de tous…

Comme le dit la sagesse du zen pratiqué par un mistigris… On vérifiera donc du 20 juin au 4 juillet.

Philippe  Verrièle

43e festival Montpellier Danse  - 20 juin au 4 juillet 2023

Image de preview : Palermo Palermo - Pina Bausch © Evangelos Rodoulis

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