« Zéphyr » de Mourad Merzouki à Kalypso
Pour Vertikal (2018), Mourad Merzouki jouait avec l'apesanteur et envoyait le hip-hop dans les airs. A la demande des organisateurs du Vendée Globe Challenge, la course la plus extrême, il décidait de tutoyer le vent. Le principe de la course est simple : un homme, un bateau et le tour du monde. Mais tout cela se fait avec l'autorisation d'un maître superbe et impérieux, le vent, et c'est lui que le chorégraphe voulait invoquer dans une pièce qui devait faire l'ouverture de cette épreuve mythique. C'était en 2020 et la Covid…
Mais on n’éteint pas le vent. Un an plus tard, presque jour pour jour, revoilà Zéphyr que l'on pourra découvrir à partir du 12 novembre au festival Kalypso.
Danser Canal Historique : Qu'est-ce que cette aventure de Zéphyr ?
Mourad Merzouki : C'est une pièce née de ma rencontre avec le Vendée Globe. Les organisateurs avaient vu Folia et ils m'ont contacté. Jusqu'ici, lors du départ de la course, tous les quatre ans, il y avait un grand concert au niveau du village d'artistes. Cette année là, ils ont voulu un spectacle dans un Zénith tout près de La Roche-sur-Yon. J'ai imaginé une pièce qui ne raconte pas le Vendée Globe, parce que mon travail n'est jamais narratif, mais qui évoque ce qu'un skipper peut ressentir face à la mer durant la course. Zéphyr devait être présenté l'année dernière, avant la course et puis il y a eu la Covid et la course est partie sans le spectacle. Nous avons décidé de reporter la création plutôt que d'annuler et de la présenter un an plus tard, donc maintenant. Évidemment, il y a d'autres enjeux et d'autres émotions. D'autant plus qu'avec la Covid, tout s'est fait de loin !
DCH : Comment se présente la pièce ?
Mourad Merzouki : Elle est très inspirée par le vent de sud-ouest. Je ne cherche pas à raconter, mais je fais passer des images autour des corps des dix danseurs dans le souffle du vent. Toute la scénographie joue sur cette idée du vent que l'on retrouve aussi dans les costumes.
J'ai demandé la musique à Armand Amar que je connais bien. Il a signé la musique de Vertikal par exemple. Il y a des voix, des instruments très étonnants [la collection d'instruments de musique d'Armand Amar est réputée pour sa richesse] et des musiques électroacoustiques qui ajoutent à l'atmosphère. Les compositions d'Armand sont très cinématographiques ; elles produisent des images et soulèvent l'imaginaire : c'est une musique qui voyage et le Vendée Globe, au-delà d'une course, c'est une forme extrême de voyage.
DCH : Comment se passe ce spectacle qui devait être le lancement d'une compétition qui a déjà eu lieu ?
Mourad Merzouki : L'organisateur qui est notre partenaire, le département 85, a souhaité que le spectacle ait lieu. Ils nous ont dit qu'ils attendaient beaucoup de ce spectacle et qu'ils avaient profondément envie de ce rapprochement entre l'art et le sport. Chacun sort de sa zone habituelle et se nourrit des valeurs de l'autre.
Ensuite, c'est un report, ce n'est plus la même chose, mais nous tenions tous à ce que cela ait lieu. Ce qui serait formidable serait que les vainqueurs [voir note de la rédaction en encadré] soient tous là. Mais je ne sais pas si ce sera possible.
DCH : Vous connaissiez la voile auparavant ?
Mourad Merzouki : Pas du tout ! Je ne connaissais absolument pas ce monde et je l'ai découvert avec l'aventure de la création de Zéphyr, en me renseignant, en me rapprochant des skippers. Il devait y avoir une résidence, dans la dernière ligne droite, avec les marins. Je devais pouvoir voir les bateaux et leur préparation… La résidence finale devait avoir lieu, initialement au milieu même du village et se faire au cœur de l'épreuve pour mettre les artistes et les sportifs en contact. Evidemment, cela n'a pas eu lieu. Mais j'ai découvert beaucoup de choses quand même !
DCH : C'est une pièce qui va tourner ? Comme toutes les autres pièces !
Mourad Merzouki : Je ne sais pas, je n'anticipe jamais cela. Mais c'est vrai que pour Folia, cela a été incroyable. Nous devions faire 2 ou 3 dates pour Fourvière et c'est parti très fort avant d'être interrompu, puis cela est reparti. Nous en sommes maintenant à plus de quarante dates et cela n'arrête pas. Alors, pour celle-ci je l'espère aussi.
Propos recueillis par Philippe Verrièle
Zéphyr (création le 3 nov. au Vendéspace)
12 au 17 nov. Maison des Arts, Créteil
10 au 12 déc. Les Gémeaux, Sceaux
20 au 23 déc La Villette, Paris
[note de la rédaction en encadré]
[C'est le 8 novembre 2020 que s'étaient élancés les trente-trois concurrents du Vendée Globe 2020-2021, neuvième du nom. Édition qui s'est déroulée dans des conditions très dures et qui vit arriver Charlie Dalin (Apivia) le premier sur la ligne d'arrivée aux Sables-d'Olonne le 27 janvier à 20 h 35, suivi de Louis Burton (Bureau Vallée 2), arrivé à 0 h 45. Mais c'est Yannick Bestaven (Maître Coq IV), arrivé à 4 h 19 dans la nuit du 27 au 28 janvier qui emporta cette course car il bénéficiait d'une compensation en temps de 10 h 15 pour s'être détourné fin novembre dans l'Atlantique Sud afin de participer au sauvetage de Kevin Escoffier dont le bateau avait coulé et qui avait été sauvé, dans des conditions particulièrement difficile par Jean Le Cam (Yes We Cam !). Lequel grimpait à la quatrième place finale du classement final avec ses 16 h 15 de compensation. Le Vendée Globe, ce sont aussi des histoires complexes, belles et épiques !]
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