« Wo-Man » et « Point Zéro » d'Amala Dianor
Actuellement en tournée avec Wo-Man et Point Zéro, présentés en janvier au Théâtre de la Ville, Amala Dianor est toujours un danseur d’exception.
C’était il y a quelques jours au théâtre des Abbesses à Paris. Une soirée de première, dans le cadre du festival Faits d’hiver (jusqu’au 16 février), donnant à voir deux pièces du chorégraphe Amala Dianor. La première, Wo-Man, était la recréation de l’iconique solo Man Rec (2014) jadis interprété par Amala lui-même, et cette fois confié ou plutôt transmis de belle manière à la prometteuse jeune danseuse Nangaline Gomis.
La seconde, Point Zéro, réunissait sur scène aux côtés d’Amala deux de ses complices de longue date, Johanna Faye et Mathias Rassin. Depuis sa présentation en février puis en octobre derniers à la Maison de la danse de Lyon (voir article DCH), le trio avait visiblement évolué, moins sombre et plus jouissif que dans sa première version. Nous était ici offert un pur moment de danse, à la fois collectif et individuel, où chacun avait sa part dans une fluide alternance de points de vue, de styles et de gestuelles : concentrée et puissante chez Johanna Faye, par ailleurs membre du collectif FAIR-E à la tête du Centre chorégraphique de Rennes; façon boule d’énergie chez Mathias Rassin alias B-Boy Thias, passé maître dans l’art de mixer street dance et top-rock, l’une des disciplines du hip-hop hop; et enfin souveraine avec Amala Dianor.
Photos © Romain Tissot
Quel que soit le talent de ses deux partenaires, force est en effet de reconnaître quon ne voyait - presque - que lui. Non qu’il ne laisse à ces derniers une place équitable, ni cherche à accaparer le plateau. Sa présence, au contraire, était toute de retenue et de légèreté, « sans rien en lui qui pèse ou qui pose ». Mais le moindre de ses gestes était un moment de grâce, qui transcendait l’instant comme la pièce elle-même. Si la silhouette n’est plus tout à fait celle du jeune homme gracile de ses débuts versant hip hop, notamment au festival Suresnes Cités Danse, ou contemporain dans la troupe d’Emmanuel Gat, le danseur demeure toujours aussi aérien et d’une impeccable élégance de lignes - jusqu’au bout des ongles, comme dans le ballet classique. Conjuguant break dance et apesanteur, travail au sol et élévation, il réussissait en outre à donner à ses mouvements un supplément d’âme. Une virtuosité venue de l’intérieur, très loin de la démonstration à l’épate à laquelle ses aptitudes naturelles auraient pu le restreindre.
Parce qu’elles impriment durablement la rétine, ces qualités particulières avaient par contraste quelque peu troublé la vision du premier spectacle de la soirée. L’engagement et la danse déliée de Nangaline Gomis ne pouvaient faire tout à fait oublier le souvenir du même solo interprété par son auteur. Nul doute toutefois que la personnalité affirmée de cette jeune professionnelle - diplômée du CNSMD de Lyon, elle conjugue notamment une formation en danse africaine et contemporaine - ne lui permette bientôt de s’approprier totalement cette expression à la première personne de la rage d’exister.
Isabelle Calabre
Vu au Théâtre de la Ville - Les Abbesses, à Paris le 25 janvier 2022, dans le cadre du Festival Faits d'Hiver.
En tournée les 4 et 5 mars 2022 à Angers
Le 10 mars à Annecy.
Autres dates en France sur le site amaladianor.com
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