« Umwandlung » d'Anne Martin
Un solo intime, puissant et poétique à ne pas rater les 17 et 18 avril à la Maison de la Danse de Lyon.
Anne Martin commence la note d’intention de son solo Umwandlung – qui signifie transformation – par un questionnement intime : « Je viens d’avoir 68 ans… Que reste-t-il après avoir vécu intensément toutes ces années… ? » Pour constater : « Tout est là ! La flamme intérieure, l’urgence poétique, intacte, je dirais même décuplée par toutes ces épreuves, douces ou graves… »
Anne Martin danse, le geste fluide, romantique et intime. Ne parle pas en scène et lie sa présence au sol et au temps, voire aux siècles. Aussi elle commence Umwandlung sur une note quasiment asiatique. Une bande lumineuse semblait être encastrée dans le plateau, en avant-scène. A genoux, elle découvre, littéralement, un dessin au fusain représentant un paysage, aussi urbain qu’ancien, au sens musical du terme. Et sur le mur du fond, en grand, défile lentement le même panorama paysager avec ses forêts et châteaux. Ces images oniriques, créations du dessinateur Gilles Nicolas, nous amènent, comme certaines musiques, vers un XVIIe siècle rêvé aux accents surréels.
A travers ces appels d’un autre temps, Martin part en voyage intérieur et saute l’époque des exotismes bauschiens à la Mazurca Fogo et autres Sweet Mambo, puisque dans certains tableaux presque méditatifs, elle rend le temps élastique au possible, comme pour rejoindre l’univers de feu Raimund Hoghe. Après quoi elle semble se consumer dans les flammes d’un feu dont on entend le crépitement, allant vers la transe en tournoyant dans un mouvement répétitif, ses pieds ornant le sol d’empreintes de sable. Elle est une femme en lutte, presque animale. Alors, envol de l’âme ou descente du corps vers les enfers du Sacre du printemps ?
On a beau chercher à relier Umwandlung à telle ou telle empreinte de l’univers de Pina Bausch – Anne Martin a dansé dans un grand nombre de pièces de Pina Bausch de Kontakthof (1978) à Ahnen (1987) et a même repris le rôle de Pina Bausch dans Café Müller. Et elle continue à collaborer avec le Tanztheater Wuppertal pour la transmission de son répertoire – force est de constater qu’Anne Martin se laisse porter par la seule force de son être, pour créer une cérémonie dont elle dit aujourd’hui qu’elle résonne différemment de jour en jour. Certains jours, on pourrait donc l’imaginer rejoindre les rangs des écoféministes et néo-sorcières alors qu’un autre jour elle déploierait peut-être une veine plus fragile. Tout dépend de l’état du moment chez cette personnalité sereine et sa belle flamme intérieure, tout est contenu dans sa déambulation et sa vérité intime.
Anne Martin peut, dans Umwandlung, prendre du recul et parler d’elle et de son processus de transformation. Pouvoir le nommer, c’est l’avoir accompli. Aussi son solo dit en quelque sorte « hier je suis partie »
Thomas Hahn
43e festival Montpellier Danse
17 et 18 avril 2025 à 19h à la Maison de la Danse de Lyon - Studio
Image de preview © Laurent Philippe
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