« Thikra » d’Akram Khan à Montpellier Danse
Pour évoquer la mémoire, et l’héritage de civilisations oubliées, Akram Khan fait dans le kitsch un peu ancien, accompagné de l’artiste saoudienne Manal AlDowayan qui a signé la scénographie de cette création mondiale.
Thikra signifie “mémoire” ou “souvenir” en arabe. Cette création chorégraphique d’Akram Khan prend racine dans le désert majestueux d’AlUla, en Arabie Saoudite, un lieu chargé d’histoires, de rituels et de traces ancestrales récemment mises au jour. Thikra s’ancre aussi dans un dialogue avec l’artiste saoudienne Manal AlDowayan, qui évoque une “nouvelle histoire” révélée par ces découvertes archéologiques sur ses propres terres. Ensemble, ils explorent la manière dont l’art peut réactiver des récits oubliés.

L’œuvre célèbre les forces féminines, la puissance des cultures anciennes, et la transmission sensorielle du passé. Akram Khan conçoit Thikra comme une cérémonie imaginaire, une rencontre annuelle où passé et présent se rejoignent. Le projet est porté par une distribution exclusivement féminine, issue de diverses régions du monde, symbolisant l’universalité des héritages. Il cherche à rappeler que sans mémoire, il n’y a pas de futur. La chorégraphie mêle danse contemporaine et Bharatanatyam, non pour illustrer un dialogue de styles, mais pour tisser un langage commun à partir de traditions incarnées.
Voilà pour les intentions du chorégraphe. Mais comme chacun sait, l’enfer est pavé de bonnes intentions !

Sur le plateau, une grotte un peu caricaturale, genre « peplum » péhistorique, une Déesse qui descend un escalier et une femme en blanc allongée au sol dans une lumière orangée. Les éclairages sombres, presque menaçants de Zeynep Kepekli ajoutent au drame supposé d’un contenu apparent très narratif, dont nous n’avons pas vraiment la clef – mais qui peut se deviner…

C’est alors que surgit ce qui pourrait ressembler à un grand ballet indien, une troupe d’une dizaine de danseuses qui répètent, à l’unisson, les figures emblématiques du Bharatanatyam. Immédiatement, l’effet produit tend davantage vers une grande scène de Bollywood que d’une réflexion sur la danse savante indienne. La suite de ce ballet, continue de s’appuyer sur des symboles, qu’il faut décrypter. Ainsi, lorsque la danseuse principale (en blanc, bien sûr !) retourne une sorte de pierre où figure une écriture que l’on suppose être du Nabathéen (parce que nous avons assisté à la conférence de presse)… Ou quand s’avancent ces personnages masqués qui ressemblent à des divinités (peut-être nabathéennes ?), bientôt remplacées par d’autres nouveaux arrivants, jusqu’à l’évocation de Ganesh ( ?) à la fin…Et que celle à qui le message a été révélé renaisse de ses cendres. Entre-temps, ce corps de ballet d’un autre temps, rend une forme d’hommage (?) à Pina Bausch, avec force mouvements de cheveux et de bras qui se lèvent, ainsi qu’avec une sorte de « cover » de l’air de la mort de Didon (Dido & Æneas de Purcell) utilisé dans Café Müller, qui se fond dans la musique d’Aditya Prakash.

Bref, tout cela est plutôt capillotracté, et les belles intentions restent ce qu’elles sont : un futur pour l’instant inexistant, et un passeport pour l’enfer – l’endroit où l’on enferme les œuvres que l’on ne veut plus voir.
Agnès Izrine
Vu le 22 juin 2025, festival Montpellier Danse
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