Théâtre du Centaure : « La 7e Vague »
La première image est sublime. Des fesses de rêve et un torse en suspension. Mais les deux n’appartiennent pas à la même personne. Toshiro est un étalon lusitanien, et Manolo se réfugie en son sein, se réchauffe de l’abondante chevelure postérieure du cheval et s’abandonne à son rêve de fusion. C’est l’état d’innocence.
Photos : Philippe Metsu - Ubik Photo
Inutile de préciser que ça ne dure pas longtemps. Mais la scène est l’une des plus émouvantes jamais vues dans un spectacle offert au public. Si jamais il sommeillait en Bartabas quelque fibre de douceur sensuelle, voire féminine, c’est Manolo qui l’incarne, dans une transgression homme-animal plutôt que homme-femme.
Si seulement La 7e vague pouvait continuer sur cette lancée. Mais le rêve ne dure pas, il faut affronter la réalité de la guerre économique. Le nouveau spectacle de Camille et Manolo, ces deux centaures d’esprit qui partagent chaque journée avec leurs alter ego quadrupèdes, vire à l’affrontement entre un trader et son boss, dans un thriller boursier à dos de cheval, un western moderne pour nous dire que nous sommes toujours aussi archaïques, avec notre hippocampe incorrigible.
Ordinateur ou smartphone à la main, ils tentent d’assouvir leurs phantasmes de pouvoir absolu. Et ce pouvoir passe par l’argent, par la spéculation, par la bourse, par les flux financiers, les chantages, les chiffres… La trame narrative et dramatique ne gagne rien à se mettre en selle. On prend toujours un risque artistique en voulant rédiger une sorte de tract, même s’il est dirigé contre un pouvoir absolu, en l’occurrence celui de la finance. Il y a quelques années, Manolo signa une forme brève, une simple évocation de l’animalité du trader, sans trame dramaturgique. Mais le dessein était autrement plus concluant pour donner à voir la relation incestueuse entre le fantasme de virilité et le pouvoir de l’argent. Nous étions au cœur du sujet, le vrai, l’unique du Théâtre du Centaure, la fusion entre l’homme et le cheval.
Photos : Philippe Metsu - Ubik Photo
La 7e Vague annonce un tsunami de la fuite des capitaux, mais se fige dans une construction trop contraignante, sur le mode « je-joue-à-la-hausse-et-toi-à-la-baisse ». L’indice du Centaure passe dans le rouge. La 7e Vague n’est ni un délice pour initiés ni un crash spectaculaire, juste l’utilisation inflationniste d’une stratégie de communication. Un trader à six jambes, c’est toujours un trader qui piaffe. C’est dans les nuances que le message du Théâtre du Centaure est véritablement subversif. À la bourse, on n’a pas le temps pour ça.
Thomas Hahn
17 août Festival d’Aurillac 2015
La 7e Vague
Mise en scène : Camille
Textes : Camille et Manolo
Avec (les acteurs Centaures) : Bertrand Bossard et Akira, étalon lusitanien, Manolo et Toshiro, étalon lusitanien, Idra, étalon Pure Race Espagnol, Mahir Günsiray, acteur en vidéo
Composition et musique live : Virgile Abela. Création et régie lumière : Bertrand Blayo. Création vidéo : Camille et Jean-Christophe Aubert. Costumes : Les centaures sont habillés par Paul Smith, Création Clarisse Guichard - Fifi Turin Création. Régie vidéo : Jean-Christophe Aubert. Régie générale : Eva Tourrent. Soins des chevaux : Stéphane Alleno et Samantha Camman. Administration et Production : Matthieu Paris, Charlotte Grünspan et Dominique Raybaud
Production : Théâtre du Centaure
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