« Silver Rosa » de Yuval Pick
A la Biennale de la danse de Lyon, la création de Yuval Pick inspirée d’images fantasmagoriques, de folklores divers, libère une bonne dose d’énergie.
Dans Silver Rosa, de Yuval Pick, il y a d’emblée du spectaculaire, les trompettes (de la renommée ?) sonnent, les dix danseurs, en cercle lèvent le bras sur fond de rideau et de sol argenté. D’âges et d’origines différentes, chacun apporte sa singularité, que ce soit dans son physique ou sa culture, mais surtout dans sa façon particulière de prendre le mouvement, de l’interpréter au sens premier du terme. Si la chorégraphie semble très normée dans ses premières minutes, elle se déstructure très vite, tout en restant remarquablement pensée dans l’espace – je dirais presque géographiquement, dans sa façon d’ouvrir des lignes de fuite, d’organiser des archipels dansants, des paysages gestuels. Et justement, Silver Rosa nous entraîne dans un voyage chorégraphique à travers des folklores d’hier et d’aujourd’hui, archaïques ou totalement réinventés, comme ces sirtakis – ou hasapikos – alentis qui s’ébauchent et se dissolvent à la fin du spectacle.
Galerie photo © Sébastien Erôme
Entretemps se mélangent pêle-mêle du katajjaq, un chant de gorge inuit, des danses hassidiques, une hora israélienne, ou des procession dansées-déguisées du carnaval de Mamoiada fêté chaque année en Sardaigne où Mamuthones et Issohardes dansent un rituel de fécondité, vêtus entièrement de cloches sonnantes et tintinnabulantes. Et aussi d’autres traditions que nous n’identifions pas mais peu importe ! Ainsi, surgit un homme oiseau au très beau costume de tulle et rubans colorés, aux bras et au bassin déliés, qui vole en sauts circulaires et nous fait rêver. D’énergie saltatoire en tremblements chamaniques, de cris en chants, d’une musique tribale accompagnée par des percussions et un batteur exceptionnel, tout nous plonge dans une belle célébration païenne.
Mais surtout, il y a de l’exubérance et de la sauvagerie dans Silver Rosa, en témoigne la musique symphonique tonitruante du début, un remix de Rachmaninov avec ajout de quelques castagnettes dans une version assez grandiloquente, comme si le chorégraphe voulait mettre de la distance entre cette pièce et lui, une touche d’autodérision, comme si, face à l’urgence contemporaine, et à la fragilité de nos existences, seule la danse comme exutoire et l’humour pouvaient nous sauver en recréant du lien dans la diversité.
Agnès Izrine
Le 19 septembre 2023 à la Biennale de Lyon / Le Toboggan Décines.
Distribution
Chorégraphie : Yuval Pick
Assistante chorégraphique : Sharon Eskenazi
Interprètes : Gilles Baron, Julie Charbonnier, Axel Escot, Céline Gayon, Simon Hervé, Madoka Kobayashi, Adrien Martins, Francesca Mattavelli, Jade Sarette, Ernest Sarino Mandap
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