« Royaume » d’Hamid Ben Mahi

C’est à la Manufacture CDCN de Bordeaux qu’Hamid Ben Mahi a présenté Royaume, sa création qui entrelace les textes et la danse afin de se faire le porte-voix d’histoires de femmes. (lire notre entretien)

Un large voile est hissé en fond de plateau et au centre sont installés des casques vitrés lumineux à l’intérieur. Six danseuses d’origines et d’âges différents se coiffent de ces objets qui deviennent une sorte de rempart protecteur. Cette très belle image se poursuit alors qu’elles relèvent leurs visières derrière le voile provoquant aussi une danse très fluide et ravissante. Ce premier tableau évoque une certaine forme de sérénité, mais il s’agit d’un leurre parce que des phrases du discours de Simone Veil pour défendre sa loi sur l’avortement envahissent toute la salle. 

Sur le sol recouvert d’un sable ocre, les traces laissées par les pas des danseuses sont en corrélation avec une intention de revendication. La danse oscille entre le hip hop, le contemporain et le néo-classique alors que chacune, délivrée de son casque, ose raconter des pans de sa vie. Elles se nomment, annoncent leurs âges et leurs nationalités, parlent de leurs enfants… 

Après chaque présentation, la chorégraphie toujours fluide et ensemble s’épanouit entre glissements et ports de bras très étudiés. Puis ce sont les mots de Simone de Beauvoir puis bien plus tard ceux d’Edgar Morin, qui troublent les interprètes. Ces propos très puissants sur le respect de la femme libèrent la parole des artistes. Petit à petit, elles se dévoilent, racontent les sévices sexuels vécus, le terrible héritage de viols subis par trois générations de femmes d’une même famille. Les phrases honteuses entendues à leur encontre dans la rue. Soit une pléiade de faits réels qui donnent le sentiment que toutes les femmes ont enduré des calomnies plus ou moins avilissantes. 

Et la chorégraphie d’Hamid devient plus puissante, comme si elles avaient cet immense besoin de se libérer, de s’affirmer, de tenter de guérir des souffrances imposées par l’homme.

Galerie photo  © Pierre Planchenault