Rocío Molina : « Caída del Cielo »
Artiste associé à Chaillot Théâtre national de la Danse, Rocio Molina crée un flamenco « impuro ».
Caída del Cielo démarre comme dans un rêve. Rocio Molina, dans une robe très stylisée de flamenco immaculée Avec ses mouvements d’ondoiements presque immobiles, elle ressemble à une petite statue d’albâtre « tombée du ciel ». Peu à peu, elle fait passer à travers son corps et ses bras des pans d’une histoire de la danse qui serait digérée, remaniée, passée par le filtre du flamenco. Cygne à l’agonie, blancheur butô, et images enfouies. Petite, enfantine, ramassée sur elle-même, et bientôt nue, comme une Eve d’hier et d’aujourd’hui.
Galerie photo : Laurent Philippe
Et c’est bien la question de ce spectacle ébouriffant : quelles sont les images de la féminité actuelle ? Et surtout que véhiculent-elles ? Les références (sues ou insues) au butô et à Eve ne sont peut-être pas si innocentes, car chacune d’elles charrie à même la chair la question du pur et de l’impur. S’agissant du flamenco, la question ne manque pas d’audace, sachant que le mot « puro » s’y associe presque comme un syntagme figé. C’est bien par là qu’elle commence, transformant le genre en quasi concert de rock tandis que sa danse marque les pas au son d’une basse électrique et d’un set de percussions vrombissantes. Après tout, pourquoi l’électrification ne serait pas le renouveau révolutionnaire du flamenco ?
Galerie photo : Laurent Philippe
Ensuite, elle endosse les habits divers et variés de figures d’une féminité dont elle se débarasse à chaque fois comme autant d’oripeaux : torera, maîtresse SM décochant des banderilles, boxeuse, ondine sortie du sang et des larmes. Oscillant entre un mauvais goût certain, et de sublimes images, entre un narcissisme radical et une sauvagerie plutôt casse-cou, Rocio enchaîne des zappateados miraculeux, frappés avec une énergie à tout casser et une technique impeccable.
Galerie photo : Laurent Philippe
Accompagnés de quatre musiciens remarquables (chant, guitare éléctrique ou sèche, et percussions) qui lui donnent la réplique plutôt que le change, Rocio s’érige en passionnaria d’une danse résolument flamenca, et contrairement à ce qu’on pourrait penser, ni les emprunts esthétiques divers et variés, ni l’insolence ou l’irrévérence de la danseuse ne changent une technique enracinnée dans son corps.
Galerie photo : Laurent Philippe
On se prend néanmoins à rêver qu’un chorégraphe ou un dramaturge puisse tirer de la danseuse autre chose que des images éphémères.
Agnès Izrine
Le 3 novembre 2016 – Chaillot Théâtre national de la Danse
À voir sur Arte Concert et ici :
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