Retour sur la Biennale Danza
La Biennale 2016 réunissait de nouveau une pleïade de chorégraphes connus et moins connus appelés à « danser dans la ville » au gré des Palazzi (palais) et des Campi (places), obligeant les spectateurs à pousser la porte de la Fenice, ou à découvrir le majestueux réfectoire de la Fondation Cini… Comme chaque année, la Biennale Danza nous a réservé de belles surprises au sein de courtes chorégraphies (de 20 à 30 minutes chacune) qui réunissent souvent danseurs amateurs et professionnels, recrutés spécialement pour cette occasion et appelés à travailler avec les chorégraphes, comme c’était le cas pour Emanuel Gat, Nacera Belaza, Claudia Castellucci, et Sandy Williams.
Daniele Ninarello et Dan Kinzelman : Kudoku
Dans la belle salle Apollinee du théâtre de la Fenice, le chorégraphe et danseur Daniele Ninarello et le compositeur et musicien Dan Kinzelman ont créé une sorte de composition instantanée réunissant danse et musique. Ninarello est un danseur exceptionnel dans sa connection interne avec le mouvement. Il a une sorte de soudaineté dans la réalisation gestuelle assez stupéfiante. Kinzelman, en plus d’être compositeur est un interprète de talent qui joue alternativement du saxophone, de la flûte et de la clarinette. Ensemble, ils réussissent une sorte de fusion, les mouvements générés par Ninarello ne suivant pas les boucles musicales créées par Kinzelman aux manettes d’une « loop station » mais semble en être la matière même. Le tout est un curieux duo, qui tient en haleine du début à la fin.
Nacera Belaza : La Procession
Avant le spectacle, les danseuses, donnent le ton aux spectateurs en les mettant au rythme de cette procession pour aller s’installer dans la salle du Teatrino du Palazzo Grassi. Le spectacle est troublant, proche d’une cérémonie entre transe et retenue, profondément méditerrannéenne avec ces femmes en noir qui ressemblent à des pleureuses. Assises, formant un cercle, par trois fois, l’une d’entre elles se détache pour danser un solo au centre, avec la même rage désespérée, retrouvant le même sens fondamental qu’une Elue du Sacre du printemps.
Photos : Akiko Miyaké
Emanuel Gat : Venice
Avec un groupe de jeunes vénitiens, Emanuel Gat a approfondi le travail commencé l’année précédente. Venise est un processus chorégraphique en marche que les jeunes danseurs se sont appropriés avec bonheur. La représentation dans la Salle Tese de l’Arsenale transmet le plaisir que ceux-ci ont eu à travailler ensemble, à creuser ces trajets, ces rencontres, ces brusques aspérités qui définissent cette chorégraphie qui joue sur « l’effet domino ». Aux mouvements des uns correspondent les répercussions des autres, déclenchant à chaque fois une réaction en chaîne. C’est pourquoi Venise a cette fraîcheur et cette spontanéité qui emporte le spectateur dans les arcanes du processus de composition.
Photos : Akiko Miyaké
Claudia Castellucci : Verso la specie
Le travail de Claudia Castellucci était une fois de plus basé sur le rythme et la ronde sur le Campo San Maurizio. En cela très proche de celui de l’an passé. Frappes de pied, cadences, et parcours circulaires qui se complexifient au fur et à mesure que se déploie la chorégraphie. Plutôt que des manteaux bruns, cette fois les danseurs étaient vêtus de noir, encapuchonnés genre pénitents hype, chaussés de galoche comme pour Esercitazioni ritmiche (lire ici). Rien de plus à en dire, sinon que c’est toujours plutôt réussi et que l’effet est toujours au rendez-vous.
Sandy Williams : My Walking is My Dancing
Reprenant le titre d’Anne Teresa De Keersmaeker, Sandy Williams, qui fait partie de la compagnie Rosas, applique le programme contenu dans le titre. Soit une marche contrapuntique qui devient danse en appliquant tous les procédés déjà expérimentés dans les œuvres d’Anne Teresa, à savoir, accélération, ralentissement, inversion, rétrocession (comme une bande passée à l’envers) etc. On aurait aimé un peu plus d’originalité chez cette chorégraphe et non la seule application de ce qu’elle a pu apprendre avec son mentor. Mais les danseurs amateurs, réunis sur le Campo Sant’Angelo, sont pleins d’allant et ont parfaitement exécuté cette partition qui n’est pas sans piège.
Agnès Izrine
Biennale Danza, Venise, du 17 au 26 juin 2016.
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