Error message

The file could not be created.

Numéridanse : « Polina, danser sa vie »

Tiré de Polina, l’ouvrage de Bastien Vivès, le film réalisé par Angelin Preljocaj et Valérie Müller sera projeté le le 17 décembre à parttir de 19h en accès libre sur Numéridanse. Un beau cadeau avant Noël...

Parue en 2011, Polina de Bastien Vivès avait été une révélation graphique et narrative. Le jeune dessinateur et auteur y contait l’enfance et les débuts d’une jeune danseuse classique russe, Polina. Centrée sur l’apprentissage, la transmission et les rapports de la jeune fille avec son professeur, le célèbre et redouté Bojinski, la BD était aussi l’histoire d’une émancipation. Afin de pouvoir grandir et s’accomplir, Polina prenait ses distances artistiques, géographiques et affectives avec son mentor. Pour mieux le retrouver symboliquement en fin d’ouvrage, ayant au final accompli à sa manière les rêves d’étoile qu’il avait projetés sur elle.

On comprend combien cette histoire si emblématique a pu inspirer Angelin Preljocaj et sa compagne, la documentariste Valérie Müller, qui signent le film Polina, danser sa vie sorti cette semaine sur les écrans.

De la BD originale ils ont gardé le thème et le personnage, mais ont infléchi son destin : Ce n’est pas pour l’Allemagne que Polina quitte la Russie, attirée par la danse contemporaine, mais pour Aix-en-Provence et son Pavillon Noir, sur lequel règne la charismatique chorégraphe Liria Elsaj (Juliette Binoche, en inattendue double féminin d’Angelin Preljocaj).

A partir de cette première fracture, bientôt doublée d’une rupture sentimentale avec son boy-friend Adrien, un jeune danseur français interprété avec talent par Niels Schneider, Polina va connaître diverses expériences de danse et de vie. La seconde prend d’ailleurs vite le pas sur la première, au point que durant de longs mois, la jeune exilée se contente d’être serveuse dans un night-club. Pour subsister, mais aussi, consciemment ou non, accumuler cette dose de vécu indispensable, selon Liria Elsaj, à son éclosion artistique. Par le hasard d’une rencontre avec Jérémie Bélingard -en professeur de contemporain dans un centre pour ados -, elle retrouve peu à peu le chemin de la danse et de l’art. Cette fois dans un nouveau rôle : celui de chorégraphe.

Galerie photo © Carole Bethuel - Everybody On Deck

Sans contester le droit, voire la nécessité, pour tout créateur de prendre ses distances avec un modèle original, on ne peut s’empêcher de se demander pourquoi les deux auteurs ont ainsi voulu ainsi ‘changer la fin’. Suggérer qu’un(e) interprète ne trouve son véritable épanouissement qu’en devenant à son tour créateur donne au cheminement intérieur de Polina un effet quelque peu démonstratif, en particulier dans la partie centrale du film, là où l’album de Bastien Vivès gardait à son héroïne tout son mystère.

Le film, en revanche, est d’une justesse miraculeuse sur les années d’apprentissage de la jeune ballerine. Filmés en scope pour leur donner plus d’ampleur, les différents plans ont une incroyable force émotionnelle et esthétique.

La jeune Veronica Zhovnytska y est pour quelque chose, qui donne au visage de Polina enfant une troublante intériorité. Anastasia Shevtsova, qui prend ensuite le relais, est elle aussi une danseuse professionnelle. Formée à l’Académie du Ballet russe et castée directement sur place par les réalisateurs, elle vient d’intégrer la troupe du Mariinski, à Saint-Pétersbourg.

Elle compose un personnage à la belle densité, qui se bat avec obstination contre une voie toute tracée et finit par inventer sa vie.

Les scènes de danse, notamment le duo final créé spécialement par Angelin Preljcoaj, ne se contentent pas de rythmer le parcours de l’héroïne, elles sont en quelque sorte la matière même du film. La beauté du mouvement, la grâce des corps et l’intensité de l’engagement artistique sont au cœur de cette ode à la danse, qui parlera aux béotiens comme aux professionnels.

Isabelle Calabre

Le 17 décembre à partir de 19h sur Numéridanse. En accès libre pendant 24h.

Catégories: 

Add new comment