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« New Creation » de Bruno Beltrão

Présentée par Pôle-Sud et Le Maillon à Strasbourg du 30 novembre au 2 décembre : La nouvelle pièce du magicien post-hip hop est une œuvre de résistance. Mais New Creation, est-ce un titre ? 

Une pièce de danse a-t-elle besoin d’un titre ? Pas forcément. Pourtant toutes en portent un. Ou presque. Il y avait Pina Bausch avec ses Neues Stück  annuelles avant de leur coller un blason. Ou bien Dave St Pierre en 2012 qui disait qu’il préférait en rester à Nouvelle pièce 2012, au lieu de donner un titre approximatif, avant de manger son chapeau et d’appeler ça : Foudres. Tout de même ! Ou encore le New Work de Benjamin Millepied créé à la Maison de la Danse de Lyon en 2014, ce que l’auteur de ces lignes avait naturellement pris pour un titre, le lisant malencontreusement comme New York, tombant dans le piège de savoir Millepied le plus américain des chorégraphes français. 

Aujourd’hui, c’est Bruno Beltrão qui refuse le titre. A moins que New Creation  soit en soi assez éloquent pour tenir le flambeau. Jusqu’à quand ? On se dit naturellement qu’un jour, avec la prochaine création par exemple, New  deviendra Old. Il y a dix ans, Dave St Pierre justifiait l’absence de titre en soutenant que les gens venaient de toute façon voir sa nouvelle création, quel qu’en soit le titre, et même s’il n’y en avait pas. Alors Beltrão va-t-il tenir dans le non-titrage ? Il serait le premier. Premier aussi à retourner l’anonymat relatif qui ne semble pas être le résultat de quelques hésitations temporaires mais véhiculer un message, presque un appel au secours. 

New Creation, dit-il, reflète les ravages infligés à la société civile brésilienne par les années Bolsonaro. Car Beltrão est Brésilien. Le fondateur du Grupo de rua de Niteroi a fasciné le monde de la danse en Europe à partir de sa création H2 (2005), transformant le vocabulaire de la danse break en apparitions furtives de corps aériens, alors que cette danse qui s’est développée sur le bitume semblait liée à jamais au sol et rien qu’au sol. Et dans New Creation, Beltrão y revient. Au sol. L’atterrissage est dur car forcé. La danse fait ici beaucoup appel aux arts martiaux et les mains, fébriles, semblent parfois trembloter sous l’emprise de volontés extérieures. 

Galerie photo © Wonge Bergmann

Les genoux souvent pliés et les corps de même, sept hommes et deux femmes mettent ici la danse dans un état de suspension tellurique, luttant sans cesse pour tenir debout, privés de la légèreté qui primait dans les premières créations du Grupo de Rua. Ici cependant une chape de plomb bolsonarienne s’est abattue sur les corps et les esprits qui tentent de résister. Mais l’oppression est palpable, plus encore que dans Inoah, où une bande d’écrans ouvraient sur des images du ciel bleu. 

New Creation arbore un seul écran suspendu en fond de scène sur lequel se baladent des champs de pixels comme dans un glitch, une perturbation technique. L’image n’arrive pas à se constituer. Comme la pièce. New Creation est une pièce heurtée, une pièce fantôme, une pièce en pièces car en fragments, en devenir ou bien en débris car écrasée par la réalité sociale et politique. Ce qui permet d’espérer pour la prochaine pièce de Beltrão, le sieur Bolsonaro s’étant éclipsé. 

Galerie photo © Kerstin Behrendt

New Creation : Et si on lisait autrement ce titre qui semble refuser d’en être un ? S’il contenait une revendication ? Car il pourrait s’agir d’un appel lancé aux hommes, voire à dieu, de revoir leur copie pour recommencer par la création d’une planète nouvelle ou d’une humanité mieux intentionnée qui aurait enfin moins de poids invisible à porter sur ses épaules que les danseurs dans cet acte de résistance et de survie. Une fois de plus, Bruno Beltrão invente un langage scénique percutant et le Grupo de Rua réussit son pari : tenir le cap et maintenir le suspense tout au long des cinquante minutes. Avec ou sans titre. 

Thomas Hahn

Vu le 26 novembre 2022 au Centquatre Paris, dans le cadre du Festival d’Automne

Présenté par Pôle-Sud CDCN Strasbourg en partenariat avec Le Maillon le 30 novembre, 1er et 2 décembre 2022 à 20h30 

Direction artistique : Bruno Beltrão
Assistant à la mise en scène : Gilson Cruz

Avec Wallyson Amorim, Camila Dias, Renann Fontoura, Eduardo Hermanson, Alci Junior, Silvia Kamyla, Ronielson Araújo ’Kapu’, Leonardo Laureano, Leandro Rodrigues, Antonio Carlos Silva

Lumières : Renato Machado
Musique : Lucas Marcier / ARPX, Jonathan Uliel Sadanha
Décor : Anderson Dias
Costumes : Marcelo Sommer

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