« Nelken » de Pina Bausch
Quelques impressions d’œillets, avec Nelken de Pina Bausch au Théâtre du Châtelet
Tout a été dit, écrit etc. sur Nelken de Pina Bausch, depuis la création de cette œuvre monumentale, le 30 décembre 1982. Il y avait en scène Anne Martin, Jan Minarik, Nazareth Panadero et autres légendes du Tanztheater Wuppertal, notamment Dominique Mercy. Aujourd’hui, c’est sa fille, Thusnelda, qui marche, court, vole ou valse à travers le champ d’œillets le plus célèbre qui soit.
Galerie photo Laurent Philippe
À Paris, en 2015, la salle du Théâtre du Châtelet offre à Nelken un écrin sur mesure. Le satin rouge et les dorures répondent au rouge et rose des fleurs avec la même élégance, la même finesse. Aucune séparation entre la scène et la salle. Jamais on n’a vu un public de danse dans une attitude aussi vive et passionnée, directement impliqué dans l’action.
Galerie photo Laurent Philippe
La cohésion ne s’explique pas (seulement) par le fait qu’au début les danseurs descendent du plateau pour s’asseoir dans la salle, même si ce geste reste aussi surprenant qu’en 1982. On a l’habitude de voir des acteurs se lever dans la salle pour aller sur le plateau, mais l’inverse, non. Quand à la fin le public est prié de se lever et d’exécuter quatre mouvement simples, tout le monde est si impliqué dans l’action que la salle se lève d’un trait. Le ton de l’invitation à bouger est de la même politesse et délicatesse que tout ce qui se déroule avant, quel que soit le degré de violence cachée.
Galerie photo Laurent Philippe
Que représente le champ d’œillets dans le paysage de la danse ? On y reconnait évidemment la signature de Raimund Hoghe, responsable de la dramaturgie. Les solitudes, les musiques, les traversées, les présences… Tout est empreint du regard sur l’humain et les relations qu’ils entretiennent avec le temps et l’espace. Ils nous parlent de Raimund Hoghe journaliste qui écrivit des portraits de personnes célèbres ou anonymes pour l’hebdomadaire Die Zeit.
Galerie photo Laurent Philippe
Les tableaux de groupe, quant à eux, révèlent tout ce que doit un Dave Saint-Pierre à Pina Bausch. Face à la vingtaine d’interprètes, leur jeu de travestissement permanent, la violence affective, les prises de parole etc., La Pornographie des âmes résonne telle une radicalisation de Nelken, tel un champ de ruines d’œillets façon 21e siècle, la délicatesse et l’élégance des costumes et robes de soirée en moins.
Galerie photo Laurent Philippe
Au Théâtre du Châtelet, Nelken ne joue pas la carte du contraste, mais celle de la fusion, créant une seule image du fond de la salle jusqu’au fond du plateau, le public se reflétant dans les personnages et leur gestes, tout juste sublimés mais toujours dans le ton de la vie au quotidien, telle qu’on la vit ou qu’on la rêve.
Thomas Hahn
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