« Motus Anima » de Tango Ostinato
Ils ont annoncé un polar et effectivement il y a des coups de feu, des convoitises pour voler la danse, un trafic de bandonéon, des goutes d’eau qui tombent d’un toit et un décor angoissant qui s’apparente à un local désaffecté. Mais ce qui n’est pas indiqué, c’est que la compagnie Tango Ostinato soit Claudia Miazzo et Jean Paul Padovani dessinent dans leur dernière création Motus Anima programmée dans le cadre de la Biennale de danse du Val-de-Marne, l’essence même du tango.
Car cette idée policière n’est qu’un argument pour semer le trouble et démontrer à quel point les danseurs de tango sont prêts à tout pour chaparder et ainsi tenter d’effectuer un geste, un savant mouvement, une glissade… que d’autres arrivent à réaliser avec une déconcertante habileté.
D’une saynète à l’autre, les six remarquables interprètes s’octroient le droit de jouer plusieurs personnages. Ainsi, la notion de dédoublement est parfaitement claire puisqu’elle raconte le quotidien des amateurs de tango qui se transforment le soir pour aller danser dans les bals. Tout leur est permis, perruques de couleur blond platine, excentricité comme le fameux rock be-bop-a-lula de Gene Vincent chanté façon tango par Sophie Tellier et le sublime play-back d’Alexandre Bado qu’il termine par une danse puissante et d'une simplicité très pure comme le duo entre Marjorie Hannoteaux et Jean Paul Padovani.
Galerie photo : Sandrine Cellard
Autre base du tango, l’émouvante et très belle scène avec Noemie Ettlin qui, après un solo de danse contemporaine accompagnée au luth par Jean Paul, est violemment maintenue par ses partenaires afin qu’ils lui enfilent de force des escarpins à talons aiguilles. Puis, grâce aux impulsions de Philippe Lebhar elle réapprend comme une marionnette à se mouvoir, à marcher et enfin à danser le tango.
L’écriture chorégraphique de Claudia Miazzo et Jean Paul Padovani très léchée, très technique et très étudiée bouscule aussi les codes du tango étant donné que l’on assiste à des trios, des quatuors et en apothéose finale à un ballet où tous les six dansent ensemble, s’échangent les uns les autres et s’amusent d’oser prendre de tels risques.
Galerie photo : Sandrine Cellard
Il se dégage de cette œuvre une intense liberté et une étrange douceur car Jean Paul prend un infini soin de ses partenaires. À l’origine du mouvement, du fait qu’il en donne l’impulsion, on remarque sa main qui retient le haut du corps ou son bras qui amortit une envolée, le tout sans aucun geste brusque mais plutôt avec une délicate caresse. Cela provoque une fluidité et une aisance étonnantes.
Sur une musique jouée en live par Bohdana Horecka et Eduardo Garcia, cette très belle pièce entremêle avec intelligence plusieurs idées et interrogations. Qui est qui, qui a tué qui, qui a volé quoi ? Ainsi, le spectateur a le choix d’imaginer sa propre histoire.
Sophie Lesort
Le 11 mars 2015 Biennale de danse du Val-de-Marne, Auditorium Jean-Pierre Miquel Vincennes
En Tournée :
le 19 mai La Pléiade, La Riche en collaboration avec le CCN de Tours
le 22 mai au théâtre de Châtillon (92)
Motus Anima
Chorégraphie de Claudia Miazzo et Jean Paul Padovani. Interprètes : Alexandre Bado, Jean Paul Padovani, Marjorie Hannoteaux, Noemie Ettlin, Philippe Lebhar, Sophie Tellier. Création musicale Eduardo Garcia. Musiciens Bohdana Horecka, Eduardo Garcia, Jean Paul Padovani. Lumières Laurent Schneegans, Costumes Rose-Marie Melka.
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