Montpellier, capitale chorégraphique du dialogue euro-africain
Fruit d’un nouveau partenariat signé le 25 septembre dernier entre la Ville et la Métropole de Montpellier et l’Institut Français, la Biennale Euro-Africa devient un événement majeur né d’un dialogue artistique et politique entre l’Europe et les Afriques.
Du 6 au 12 octobre 2025, Montpellier devient donc le cœur battant de la Biennale Euro-Africa. Pour sa deuxième édition, elle déploie une programmation foisonnante dans plus de quarante lieux de la métropole, avec 130 événements, 350 artistes et intervenants venus de vingt pays. Au centre de cette constellation, la danse s’impose comme langage commun, territoire de mémoire et de réinvention.
Cette dynamique euro-africaine ne naît pas ex nihilo. En 2021, Montpellier accueillait le Nouveau Sommet Afrique-France, événement fondateur qui plaçait les sociétés civiles au cœur du dialogue entre les deux continents. Artistes, entrepreneurs, chercheurs, sportifs et universitaires africains et français s’y retrouvaient dans une volonté affirmée de réinventer les liens, de repenser les modes de collaboration, de redéfinir les regards et les récits partagés. Lors de cet événement, Mickaël Delafosse, maire de Montpellier et président de la Métropole, avait indiqué au Président de la République sa volonté de continuer ces échanges. C’est ainsi que dans le sillage de ce sommet, la ville lançait en 2023 la première Biennale Euro-Africa, rassemblant plus de 30 000 spectateurs autour d’une centaine d’événements. Une semaine d’effervescence artistique, intellectuelle et citoyenne, où la danse, déjà, occupait une place centrale.
Placée sous le signe du mouvement — celui des corps, des idées, des innovations, mais aussi celui qui rapproche les hommes et les cultures, cette deuxième édition célèbre l’excellence artistique, scientifique et économique des deux territoires, pour mettre en lumière les coopérations culturelles, les diasporas africaines, et les écosystèmes de la recherche et de l’innovation. Une semaine où la danse, art du lien et du déplacement, devient le fil conducteur d’un dialogue en acte.
Mais le déplacement n’est pas réservé à la seule danse. Et, puisque le thème de cet Euro Africa est « un territoire en mouvement », Michaël Delafosse se dit « fier d’être le maire d’une ville qui, lorsqu’on choisit Barthélémy Toguo, artiste camerounais, pour signer le design du nouveau tramway ne débat pas mais s’enthousiasme ! » L’artiste sera d’ailleurs présent lors de cette Biennale et inaugurera Bandjoun Station, le premier centre culturel camerounais qu’il crée à cette occasion.
Galerie photo © D.R
Mais surtout, « À l’heure où les forces de dénigrement sont à l’œuvre, créer des ponts pour que les gens se parlent est un acte politique » affirme Michaël Delafosse. « Montpellier est une ville monde, une ville de culture et de coopération , la Biennale Euro Africa incarne notre volonté de faire dialoguer les imaginaires, de construire des ponts entre les continents. » Éva Nguyen Binh, présidente de l’Institut Français, partenaire majeur de cet événement, souligne à quel point « le partenariat de l’Institut français avec la Ville et la Métropole de Montpellier est un exemple concret, proche du citoyen, de diplomatie culturelle et de diplomatie des territoires : il nourrit les liens entre Montpellier et l’Afrique, et plus généralement de la France et de l’Afrique, en valorisant les talents et écosystèmes de deux territoires, et en créant des connexions entre les talents de la ville et venant du continent africain. »
La Biennale s’ouvre donc le 6 octobre au Corum avec Yé!, spectacle de la compagnie guinéenne Circus Baobab. Acrobaties, rythmes et récits urbains composent une fresque vivante d’une Afrique en mouvement. Leur spécialité : les pyramides humaines et la contorsion. Leur thème : une histoire d’eau qui vient à manquer dans un pays, la Guinée, réputée « château d’eau de l’Afrique de l’Ouest ».
Le lendemain, la Maison des Relations Internationales accueille une rencontre sur les regards croisés entre créateurs africains et européens, où la danse devient outil de transmission, de résistance et de soin.
Le 10 octobre, la Halle Tropisme se transforme en laboratoire chorégraphique à ciel ouvert avec la Nuit des ateliers. Performances, DJ sets, défilés de mode et initiations dansées rythment cette soirée festive, où les corps dialoguent au-delà des langues. Avec, notamment Danse : Remember Acte 02, un hommage dansé à Thomas Sankara, figure majeure du Burkina Faso. À l’Agora Cité Internationale de la danse, Salia Sanou présente D’un lointain si proche, une création sous forme d’installation chorégraphique sur le déracinement et la mémoire, en résonance avec les trajectoires migratoires et les récits diasporiques en collaboration avec l’Institut Français de Yaoundé. Ce sont huit musiciens et dix danseurs qui porteront cette pièce hybride interprétée en physique et à distance avec des danseurs et danseuses camerounais. Le lendemain, le 11 octobre, Robyn Orlin présente In a corner the Sky Surrenders, son solo mythique créé en 1994, revisité par Volmir Cordeiro.

« La danse est un art du lien, du déplacement, de la porosité », souligne Vincent Cavaroc, directeur artistique de la Biennale. « Elle permet de penser autrement les coopérations culturelles, en partant des corps, des gestes, des récits. » Cette approche traverse toute la programmation, qui mêle spectacles, expositions, conférences, projections, ateliers et rencontres professionnelles. Mais de ce fait, grâce à cette Biennale Euro-Africa de Montpellier on va danser dans toute la ville. Avec des performances comme Soubwéré de Siaka Coulibaly, un danseur-chorégraphe burkinabé installé à Montpellier, qui signe un solo ancré dans son histoire, mais aussi un excellent pédagogue qui animera des ateliers gratuits. La place des battles d’Afro-breaking, une nouvelle forme de break, où s’affronteront des danseurs du Ghana, de Tanzanie, du Burkina Faso ou du Cameroun… et tous les artistes de la diaspora africaine. Et celle-ci est particulièrement riche à Montpellier, « vingt pays d’Afrique étant représentés dans la ville et la Métropole qui sont les visages de notre ville » comme le souligne Clare Hart, vice-présidente de la Métropole, Déléguée au Rayonnement international et à la Coopération européen.
La Biennale Euro Africa ne se contente pas de juxtaposer les disciplines : elle les fait dialoguer. Le 8 octobre, la conférence dansée Jazzpora explore les liens entre jazz, migration et mémoire. Le 9, le Musée Fabre accueille une table ronde sur la création avec des artistes, chercheurs et responsables culturels. Le même jour, le Jardin de Restanque résonne aux sons de la musique sénégalaise, dans une soirée mêlant cuisine, danse et convivialité.
Montpellier ne célèbre pas seulement la diversité : elle la met en œuvre. En accueillant cette Biennale, elle affirme que les gestes chorégraphiques sont aussi des gestes politiques. Ils disent les fractures, les espoirs, les solidarités. Et dans cette ville qui a vu naître tant de vocabulaires chorégraphiques, la danse devient le lieu d’un avenir partagé.
Agnès Izrine
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