Les Rencontres des Ballets Juniors Européens au Pavillon Noir
Dans la continuité des Rencontres des Écoles Nationales Supérieures de danse présentées au festival de danse de Cannes en novembre 2023, le Ballet Preljocaj a organisé pour la première fois les Rencontres des Ballets Juniors européens au Pavillon Noir du 16 au 23 mars 2024. Nous y étions ! Reportage.
La salle était pleine ce soir de mars au Pavillon noir. Les spectateurs et spectatrices trépignaient d’impatience de découvrir les jeunes ballets européens, invités dans le cadre des premières rencontres des ballets juniors européens, une initiative portée par le Ballet Preljocaj et bien sûr son directeur artistique, Angelin Preljocaj.
Pour cette soirée, l’une des quatre prévues pour ces Rencontres, (qui ont eu lieu du 16 au 23 mars) le public a pu découvrir trois jeunes ballets, Codarts venu de Rotterdam, le jeune ballet d’Allemagne et le CNSMD de Paris. Chacun a présenté des programmes très différents : une pièce de Lucinda Childs pour le CNSMD de Paris, une de Raymond Hilbert (actuel maître de ballet) pour le jeune Ballet d’Allemagne et deux pièces pour Codarts signées par Keith-Derrick Randolph (actuel directeur de Codarts Dance Company) et de Cayetano Soto. Pièces de groupes ou solos, chacune permettait de voir les qualités techniques des jeunes interprètes, qui ont tous et toutes en commun d’avoir intégré un cursus « professionnalisant », mais pensé différemment en fonction de sa particularité, qu’elle soit géographique ou structurelle.
Si l’on prend l’exemple de Codarts, aux Pays-Bas, cette université forme des artistes chorégraphiques, musicaux ou lyriques mais aussi de cirque et Caroline Harder, la directrice de la formation danse-musique-théâtre, ancienne danseuse elle-même, qui accompagnait les étudiants de Codarts, embrasse ainsi plusieurs disciplines et fait des ponts entre elles. D’autant que, rien que dans le département danse, les élèves ont la possibilité de « devenir professeur, danseur, chorégraphe, art-thérapeute ».
La formation s’effectue en quatre ans, trois ans d’études et un an de stage dans une compagnie. La première année, ils sont occupés à acquérir et approfondir des outils, la deuxième est consacrée à construire un répertoire et la troisième à développer ce répertoire. « Les trois pièces montrées par Codarts lors de la soirée font partie du programme » explique-t-elle. « Avec ce programme, chaque année, nous faisons une tournée d’une trentaine de dates dans les théâtres hollandais. La majorité de nos étudiant·es trouvent du travail à la fin de leurs études dans des compagnies européennes ».
Certains viennent d’autres pays européens, à l’instar de Nnandi Nwagwu, né en Italie de parents nigérians. Considérant que Codarts est l’une des meilleures écoles supérieures actuellement, il a passé l’audition et l’a réussi. Il ambitionne de danser quelques années avant de devenir chorégraphe.
Le cas du Jeune Ballet d’Allemagne est un peu différent. Fondé par John Neumeier en 2011, directeur du Ballet de Hambourg depuis plus de trente ans, il est dirigé par Kevin Haigen, ancien soliste chez Béjart et Neumeier, et rassemble huit danseurs et danseuses. Engagés sous contrat pendant deux ans, ils ont non seulement vocation à devenir des professionnels mais aussi à « amener la danse partout » précise Yohan Stegli, le directeur administratif du Jeune ballet de Hambourg qui accompagne la compagnie pour ces rencontres. « Il y a un aspect pédagogique dans lequel nous essayons de leur donner un maximum d’expériences pendant ces deux ans, de les faire grandir en tant qu’humains et artistes. Pour qu’ils soient prêts à travailler pour des chorégraphes ou éventuellement à chorégraphier eux-mêmes. Ils ont également vocation à amener la danse dans des endroits inhabituels, les EHPAD, les prisons, les écoles. Nous faisons beaucoup de projets intégratifs, avec des institutions psychiatriques, etc. » Le ballet développe son propre répertoire, en privilégiant les jeunes talents. Cela arrive qu’il pioche dans le répertoire de Neumeier qui le permet gracieusement, mais le jeune Ballet n’est pas la deuxième compagnie de John Neumeier, il est indépendant. Il a d’ailleurs développé une particularité, liée à son histoire, celle d’être systématiquement accompagné par des musiciens live. Ce qui en fait un jeune ballet assez spécial, unique en son genre. Ainsi Ayumi Kato, jeune Japonaise qui a grandi à Zürich et fait partie de la compagnie depuis deux ans, considère que celle-ci « permet un processus d’apprentissage constant », qu’elle ouvre sur l’extérieur et sur le monde, « tout en étant comme une famille ». Ravie d’en faire partie tout comme elle ne cache pas sa joie d’être invitée aux Rencontres, qui resteront comme l’une de ses plus belles expériences dans le monde de la danse.
À l’instar d’Audalys Charpentier, danseuse au Ballet Preljocaj Junior, tout aussi enchantée, même si elle est à la « Maison », qui mesure sa chance d’avoir été choisie parmi les quelques deux cents candidates et candidats à l’audition. Le contrat (d’apprentissage) au Ballet junior, lui, ne dure qu’un an. Et le programme est un peu différent même s’il existe des similitudes entre tous les jeunes ballets. Au ballet Junior Preljocaj, l’accent est mis sur le répertoire du maître de la maison, même si le ballet Junior fait parfois des projets avec les artistes associés au CCN. Et aussi sur les tournées. La formation permet aux douze jeunes gens de décrocher leur DNSPD (Diplôme national supérieur professionnel de danseur) grâce à une collaboration avec l’École de Cannes (le PNSD pour Pôle national supérieur de danse) fondée par Rosella Hightower qui les reçoit une semaine par mois. Le reste du temps, la journée type commence à 10h30 par un cours avec la compagnie (si elle n’est pas en tournée), classique et contemporain en alternance une semaine sur deux puis répétitions du répertoire de 12h à 14h, pause déjeuner d’une heure, puis reprise des répétitions jusqu’à 18h. il y aussi les tournées qui font partie intégrante du processus et qui contribuent à former les artistes de demain.
Comme le dit Angelin Preljocaj « L’idée du ballet junior c’est de transformer des élèves en fin de formation en artistes ayant acquis une relative maturité artistique. C’est comme un vivier, c’est investir dans l’avenir que de faire travailler ces jeunes et leur donner la possibilité de se professionnaliser ». Tout comme l’équipe du Ballet Preljocaj Pavillon Noir espère bien pérenniser ces rencontres, dans un premier temps en les programmant tous les deux ans, et le secret espoir de les faire vivre tous les ans. « Avec derrière cela une idée européenne, celle de faire un petit Erasmus, un Erasmus de la danse » dixit le maître. On lui souhaite !
Gallia Valette-Pilenko
Reportage du 16 au 23 mars au Pavillon Noir. Ballet Preljocaj.
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