« Le Murmure des songes » et « Prélude » de Kader Attou
Deux pièces délicieusement intimes, foisonnantes de poésie et de tendresse.
La salle du théâtre d’Argenteuil est pleine à craquer : une majorité de jeunes enfants (à partir de 5 ans) accompagnés par leurs parents sont ici pour assister au Murmure des songes de Kader Attou. Avec quatre excellents interprètes (deux femmes et deux hommes), le chorégraphe invite à plonger dans l’univers onirique de son enfance, à explorer les recoins cachés de son imagination, à danser avec les étoiles et saisir la magie de chaque instant, continuellement présente grâce aux splendides vidéos d’Yves Kuperberg associées aux magnifiques dessins de Jessie Désolée. Le plateau est ainsi enrobé par la projection d’un rideau délicatement fleuri qui donne un cadre raffiné aux rêves enfantins. Au pays des songes, entre cauchemars et rêveries imaginaires, tout se métamorphose à chaque instant avec humour et délicatesse.
Entre le papier peint de la chambre qui se met à danser, des yeux qui semblent surveiller l’enfant qui dort seul, la couette qui reflète un fantôme et puis plus tard, la sensation de nager avec des dauphins, de flotter dans les nuages, de danser avec des monstres… et même un clin d’œil au Voyage dans la lune de Méliès, déploient des univers féériques qui séduisent petits et grands. La musique de Régis Baillet associée aux lumières de Cécile Giovansili-Vissière, embarque les formidables artistes au sein de plusieurs styles de danse entre hip-hop délirant de maîtrise, des mouvements qui se déploient à l’infini, quelques pointes de classique, tout cela avec une grâce infinie et une légèreté propres aux nuits divergentes d’un enfant.
Galerie photo © Benoite Fanton
Ce Murmure des songes émerveille toute la salle alors qu’il s’agit de la première pièce de Kader écrite pour le jeune public. Un admirable et délicat pari intime sans fausse note qui fait rire les bambins et replonge les parents dans leurs souvenirs d’enfance.
La seconde pièce
Quelques jours plus tard au théâtre Jacques Prévert d’Aulnay-sous-Bois, Kader Attou présente Prélude, interprété par neuf danseurs hip-hop installés (comme sa compagnie Accrorap), à Marseille. Le chorégraphe signe ici une autre partition toute aussi intime puisqu’il revient à ses origines, le hip-hop, tout en intervenant plusieurs fois sur scène pour raconter quelques anecdotes sur son passé.
Prélude est aussi l’histoire de la rencontre entre la remarquable musique de Romain Dubois et la performance physique des artistes. Les deux femmes et sept hommes enchaînent des équilibres irréels sur un bras, d’époustouflants saltos arrières et une multitude d’acrobaties exécutées avec une incroyable maitrise. Émerveillé, le public en a le souffle coupé tant la virtuosité et la dynamique sont conjuguées avec raffinement et poésie.
Galerie photo © Laurent Philippe
En effet, grâce à l’intense intériorité des interprètes qui, si bien dirigés par Kader, ne sont pas là pour exhiber un numéro de cirque, mais pour relater des souvenirs du chorégraphe qui, avec tendresse et humour, évoque, entre des tableaux, la naissance inattendue de son frère jumeau puis sa passion indéfectible pour la danse. Une conception de l’art qu’il relie avec celle d’Albert Camus, dont on entend son discours pour sa réception du prix Nobel en 1957 : « Je ne puis vivre personnellement sans mon art. Mais je n’ai jamais placé cet art au-dessus de tout. S’il m’est nécessaire au contraire, c’est qu’il ne se sépare de personne et me permet de vivre, tel que je suis, au niveau de tous. L’art n’est pas à mes yeux une réjouissance solitaire. Il est un moyen d’émouvoir le plus grand nombre d’hommes (…). L’artiste se forge dans cet aller-retour perpétuel de lui aux autres, à mi-chemin de la beauté dont il ne peut se passer et de la communauté à laquelle il ne peut s’arracher. (…)"
Finalement, une pièce ébouriffante, virevoltante et fascinante d’humanité acclamée longuement par le public extasié par les extraordinaires artistes et le canevas de cette œuvre si intelligente.
Sophie Lesort
Spectacles vus le 24 novembre 2024 au Figuier Blanc (Argenteuil) et le 27 novembre 2024 au Théâtre Jacques Prévert (Aulnay-sous-Bois)
Le Murmure des songes
Direction artistique et chorégraphique : Kader Attou
Scénographie : Kader Attou
Interprétation : Margaux Senechault, Ioulia Plotnikova, Artem Orlov, Kevin Mischel
Musique : Régis Baillet
Lumières : Cécile Giovansili-Vissière
Vidéo : Yves Kuperberg
Accessoires : Olivier Borne
Illustrations : Jessie Désolée
En tournée :
2024 : 18, 19, 20 décembre Miramas, Théâtre de la Colonne
2025 : 16, 17 février
Aubusson, Théâtre Jean Lurçat - 14, 15 mars Maisons-Alfort, Théâtre Claude Debussy – 18 mars Chevilly-Larue, Théâtre André Malraux - 21 mars Saint-Michel-sur-Orge, Espace Marcel Carné - 23 mars Saint-Maur, Théâtre de Saint-Maur - 25 mars Théâtre du Vésinet 27, 28 et 31 mars Neuilly-sur-Seine, Théâtre des Sablons - 16 avril Belgique, Charleroi, Palais des Beaux-Arts - 14, 15 novembre Villefranche, Théâtre
Prélude
Chorégraphie : Kader Attou
Interprétation : Antuf « Jkay » Hassani, Azdine Bouncer, Alexis de Saint Jean, Damien Bourletsis, Simon Hernandez, Aline Lopes, Yann Miettaux, Nabjibe Said, Margaux Senechault
Musique : Romain Dubois
Lumière : Cécile Giovansili-Vissière
En tournée 2025 : 24 janvier théâtre municipal de Castres - 3 février Centre Culturel Aragon, Oyonnax - 5 février L’Esplanade du Lac, Divonne-les-Bains - 7 février Saint-Martin-d’Hères, Hip Hop Never Stop Festival - 12 février Théâtre André Malraux, Rueil-Malmaison - 8 avril Théâtre Municipal Ducourneau, Agen – du 26 au 29 mai Prélude Out, Théâtre Durance, Château-Arnoux-Saint-Auban - du 5 au 13 juillet Festival d'Avignon, La Scala
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