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« Le Lac des Cygnes » Ballet de la Scala de Milan

On avait vu dans cette même salle, en février 2015, le Ballet de la Scala pour une Giselle dans la chorégraphie d’Yvette Chauviré interprétée par Svetlana Zakharova. Au moins, la présence de l’étoile ukrainienne justifiait-elle de subir les nombreux désagréments d’une salle décidément inadaptée aux ballets classiques.

Cette fois, pour ce Lac revisité par Alexei Ratmanski, dont l’entrée au répertoire a eu lieu en juin à Milan, pas de vedette, si ce n’est la première danseuse Nicoletta Manni. Dans le rôle d’Odette/ Odile, elle danse avec légèreté et finesse et fait montre d’un travail de bras et de bas de jambe aussi délicat qu’efficace. A ses côtés, son partenaire le jeune Timofej Andrijashenko ne démérite pas, précis et de belle ampleur dans ses sauts. Quant au corps de ballet, on se dit que, décidément, la présence durant six ans de Makhar Vaziev à la tête de la première compagnie italienne aura été  largement bénéfique - même si son remplacement, après l’intermède Bigonzetti, est encore plein d’incertitudes.

D’où vient, alors, que ce Lac ne déclenche pas l’enthousiasme ? Du cadre de scène, pardon d’y revenir, qui tue d’avance toute poésie et tout mystère. De ces décors chromo signés Jérome Kaplan, pourtant également l’auteur des charmants costumes et tutus inspirés de toiles préraphaélites. De la musique, exécutée plutôt qu’interprétée par l’orchestre symphonique de Hongrie, dont des certains solistes ne brillent pas par la justesse. Et, venons-en à l’essentiel, des choix scénographiques et chorégraphiques de son auteur.

Désireux de revenir aux sources de la version Petipa et Ivanov, dont la première eut lieu en 1895 à Saint-Pétersbourg, Alexeï Ratmanski a en effet adopté la même démarche que pour la création, en 2015, de sa Belle au Bois dormant (vue en septembre dernier à l’Opéra Bastille avec l’American Ballet Theatre). S’inspirant d’un vaste matériel documentaire  - critiques et dessins d’époque, récits de souvenirs des interprètes d’alors, et surtout notation Stepanov conservée à la Harvard Theatre Collection -, il a voulu retrouver, sinon la lettre, du moins l’esprit du ballet originel. Ce qui implique, bien sûr, une technique moins virtuose, des jambes levées moins haut, des portés moins acrobatiques et des grands jetés plus ramassés.

Le résultat est contrasté. Dans le meilleur des cas, cela donne, par exemple au IIe acte, une ravissante danse napolitaine, que l’on redécouvre dans sa vivacité naïve. Dans le moins réussi, on assiste à un dernier tableau d’où toute émotion a disparu, faute de s’autoriser une véritable charge dramatique et stylistique. Sans parler même du cygne suspendu dans les airs, ridicule siège de manège dans lequel prennent place ‘pour l’éternité’ les deux amants…

On demeure par ailleurs réservé sur la transformation/reconstitution du premier grand pas de deux Odette - Siegfried en pas de trois, auquel participe Benno, l’ami du prince. Mitigé aussi sur la présence soutenue de la pantomime, qui ôte aux scènes une densité que seules la danse et la présence des interprètes devraient porter. Et on s’interroge sur la décision de mêler, au troisième acte, quelques cygnes noirs au ballet des cygnes blancs attendant le retour de leur reine.

Ballet de La Scala de Milan- Galerie photo © Brescia & Aminesato,Théâtre de La Scala

Autant de partis pris qui finissent par reléguer au second plan les réels atouts de cette production : une simplicité rafraichissante, en particulier dans les premiers tableaux, une délicatesse dans la danse, une façon de considérer les personnages principaux dans leur humanité plutôt que d’en faire des archétypes, et une réelle homogénéité d’ensemble. Sans doute ces qualités, indéniables, seraient-elles mieux mises en valeur dans un écrin adapté. A quand, donc, le retour du Ballet de la Scala à l’Opéra de Paris ?
 
Isabelle Calabre.
5-13 octobre - Palais des Congrès de Paris

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