Le festival Trajectoires revient célébrer la danse en région nantaise
Impulsé par le CCN de Nantes, le festival Trajectoires se déploie dans sa région du 15 janvier au 1er février avec une trentaine de propositions passionnantes.
Ils et elles viennent de la région nantaise, de France, d’Europe, d’Asie, d’Afrique ou d’Amérique. À travers une trentaine de propositions, en solo, duo ou grands formats, les artistes invités pour la neuvième édition du toujours attendu festival Trajectoires nous laissent découvrir un art chorégraphique ouvert sur les autres disciplines et sur le monde, qui interroge notre condition humaine comme notre mémoire.
Le corps comme archive
La fascinante Dorothée Munyaneza fait revivre en solo les mémoires oubliées, les traces effacées par la traite et le système colonial dans Toi, moi, Tituba… Avec leur duo culte Étrangler le temps, Boris Charmatz et Emmanuelle Huynh redonnent corps au Boléro 2 d’Odile Duboc, en l’intensifiant par une lenteur qui rend plus vibrant le présent. Dans un plateau partagé intitulé Récits croisés, Cédric Cherdel se souvient de sa rencontre avec Daniel Nayebi lors d’un projet avec des mineurs isolés pour mieux nous raconter l’histoire de ce jeune Afghan quand Aude Lachaise, elle, nous offre un medley de fragments inspirés d’une amie perdue de vue et recroisée dans la rue. Avec son atelier spectacle Stabat Mater-Expérience, Lou Cantor danse l’histoire des nombreuses femmes qu’elle a rencontrées et nous propose d’expérimenter le pouvoir libérateur des pleurs. Dans Le sacre de Lila, Ismaël Mouaraki puise dans les rituels de guérison de son Maroc natal et met en scène des corps virils et sensibles qui fusionnent chant, musique et danse urbaine contemporaine. Quant à Mickaël Le Mer, il fait renaître dix ans après sa création Traces en la transmettant à trois b-boys virtuoses qui nous donnent à voir toute la richesse de leurs différences.
Profondément humain
Pour sa toute dernière création Éclats, Léa Vinette met trois corps vibrants en tension entre pulsion instinctive et désir de lien en continuant d’inventer une physicalité viscérale. Avec On va s’aimer, Pauline Bigot et Steven Hervouet s’inspire des mouvements du patinage artistique pour mieux célébrer le sentiment amoureux et son idéal de fusion. Pour sa première saison à la tête du CCN de Nantes, Salia Sanou invite avec Multiple-s le musicien et poète Babx ainsi que la chanteuse et compositrice Ange Fandoh à partager la scène avec lui dans des duos qui magnifient la beauté d’une rencontre. Avec son réjouissant Tendre Carcasse, Arthur Perole convie quatre jeunes interprètent à livrer, entre fiction et sincérité mais non sans humour, leurs souvenirs de puberté et les injonctions auxquelles ils ont fait face avant de les emmener vers une transe libératrice. Dans sa dernière création Imminentes, Jann Gallois propose d’opposer à la violence du monde la puissance et la force de la douceur. Avec In Comune, Ambra Senatore joue du motif de la répétition pour mieux explorer les joies et les faiblesses d’une micro-société de douze interprètes. Dans Through the Grapevine, Alexander Vantournhout explore, lui, les forces et les faiblesses de deux corps unis dans un contact ininterrompu.
Dialogue entre disciplines
Accompagnée d’un groupe d’amateurs et d’amatrices, Elise Lerat met en mouvement avec Replay nos plus beaux souvenirs de cinéma, Chantons sous la pluie compris. Laurent Cebe organise dans sa conférence performée Intervalles un dialogue ou l’humour le dispute à l’absurde avec l’astrophysicien Roland Lehoucq. Avec sa toute nouvelle création Soutenir, David Drouard réunit danseurs et chanteurs et fait de leurs voix, interprétant des covers de PJ Harvey ou Leonard Cohen, une matière chorégraphique. Après avoir invité Sylvain Darrifourcq à ouvrir leur soirée avec son installation immersive créant du son et du mouvement FIXIN, la danseuse Elodie Guillotin et son frère musicien Florian imaginent dans You Should Have Left un espace instable empli de cymbales suspendues pour mieux explorer notre capacité à nous adapter. Destiné aux tout-petits, Sous la feuille de la chorégraphe Ariane Voineau et du musicien Josué Beaucage les invite à découvrir et ressentir une nature qui se déploie à leur hauteur. Avec [F]Mobil, Sarah Vaumourin livre un solo pour une danseuse et une harpe qui se déploie dans un cube de rideaux de fils blancs. L’épatant Mos de Ioanna Paraskevopoulou met en scène de multiples objets, un écran et deux danseurs qui recréent en direct la bande-son de séquences cinématographiques.
Résistances et transformations
Dans sa toute dernière création Carne, Audrey Bodiguel nous invite à nous réconcilier avec l’impermanence de nos existences dans une exploration plastique et performative qui va de la présence à la disparition, de l’animé à l’inanimé. Au plus près du public, Sofian Jouini fait de son corps en transe un lieu de passage et d’accueil de bactéries, de virus et de djinns pour répondre au repli identitaire dans La Visite. Giovanni Zazzera nous propose une soirée faite de contrastes. Dans le solo NEGARE un danseur navigue entre déni et acceptation de soi, dans le duo (di)SPERARE deux danseuses « se laissent contaminer l’une par l’autre ». Avec son formidable Borda Lia Rodrigues brode un monde plastique et chorégraphique où la frontière devient un lieu de rencontre plutôt que de séparation. Flambeau que reprend joyeusement Eun-Me Ahn en mariant Orient et Occident dans son jouissif et coloré Post-Orientalist Express. Enfin, Rita Lara conçoit avec Trap un solo dans lequel elle est captive d’une seconde peau qui l’enserre et la contraint pour mieux matérialiser nos empêchements et les pensées qui nous bloquent.
Et pour que la fête soit encore plus belle, des sessions d’impro, un marathon de la danse, un spectacle en création et des films complètent ce déjà foisonnant programme.
Delphine Baffour
Du 15 janvier au 1er février 2026 à Nantes, Rezé́, Saint-Herblain, Haute-Goulaine, Sainte-Luce-sur-Loire, Carquefou et Saint-Nazaire.
Festival Trajectoires
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