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Le Centre Suzanne Dellal au Théâtre de la Ville

Le Centre Suzanne Dellal qui agit comme un incubateur de jeunes talents pour la danse israélienne et internationale était pour quelques jours sous la Coupole du Théâtre de la Ville pour présenter les lauréats et lauréates de l’année.

1|2|3 – à lire comme solo, duo, trio – est une plateforme fondée en 2020 par le Centre Suzanne Dellal qui agit comme un incubateur de jeunes talents pour la danse israélienne et internationale. Chaque année, une dizaine de chorégraphes émergents est invitée à créer librement, un jury d’artistes reconnus sélectionnant les plus prometteurs. Ce programme, ouvert à tous les âges, parcours et origines, encourage les voies personnelles. Chacun des artistes, invité à créer, à partir de son premier solo, un duo puis un trio, accomplit ainsi un voyage décisif de l’individu vers le groupe avec toute la richesse de la rencontre qui va avec. 

Ce programme présentait au Théâtre de la Ville, les lauréates et lauréat de la dernière promotion, celle-ci étant nettement dominée par les femmes.

Misan Miso Samara présentait un solo, un duo et le trio final, une création dont c’était la première mondiale. Son solo Eleutheromania, qui porte donc le flambeau de la Liberté (Eleutheria, en grec ancien) commence de façon animale, Misan Miso Samara avançant à quatre pattes, bras et jambes tendues, dans une position qui conjugue la force à la soumission, le tout accentué par les poings qui s’enfoncent dans le sol pour soutenir l’ensemble.

Galerie photo © Laurent Philippe 

Il y a du Faune, chez Misan Miso Samara, de l’être hybride. Il y a de la rage et de la fureur qui émane de tout ce solo, une énergie à tout casser, y compris quand, redressée, elle se lance dans une esquisse de danses traditionnelles, telle une « libération ». Son duo, Alqarib, avec Naftaly Bar-Yosef, bien que très construit également, est moins percutant tout en utilisant une gestuelle assez proche au niveau des jambes qui s’ancrent dans la terre et confèrent à l’ensemble une allure plutôt combative. 

Galerie photo © Laurent Philippe

Look Down, un solo signé Naya Binghi, joue sur une sorte de flamenco rêvé et international, qui commence par une sorte de maladresse pour devenir de plus en plus agile, avec, là aussi, une force revendicatrice puissante sourd de sa gestuelle, les frappes de talons se prêtant particulièrement bien à cette sorte de colère qui ne dit pas son nom, sauf quand, T-Shirt sur la tête, comme un fantôme ou un ange de la mort tenant une pancarte sur laquelle est écrit quelque chose de différent à chaque représentation. 

Galerie photo © Laurent Philippe 

Anemoia solo de Lal’El Pillora sur une page pour piano de Debussy semblait aussi léger que sa nuisette. Et même s’il ne manquait pas d’humour, il dévoilait plus ses qualités de danseuse que de chorégraphe. 

Galerie photo © Laurent Philippe

Contrairement à Breeze Through the Soul, qu’elle présentait également dans cette soirée. Ce duo, plutôt inspiré, c’est le cas de le dire, joue sur la respiration et ses expirations. Gilly Geva et Lal’el Pillora se fondent dans un duo duel où rencontre et confrontation se coalisent dans un unisson prêt à éclater à tout moment sous la pression du souffle de nos deux protagonistes. Extrêmement bien dansée, multipliant les figures de techniques diverses, classique, contemporaine et jazz, le tout avec une allonge exceptionnelle, la pièce rythmée uniquement par le flux respiratoire conquiert le public. Volontiers drôle, maniant l’autodérision à la perfection, Breeze Through the Soul, est un instant délicat et léger qui permet, justement, de reprendre son souffle. 

Galerie photo © Laurent Philippe 

Très beau duo également, Arba, très millimétré et bien composé d’Ophir Kunesh qu’il danse en compagnie de Maya Navot. À la fois très formel et très tendre, très précis dans le travail des bras et très dynamique dans les sauts et les tours finis à genoux, ils dessinent une chorégraphie très fine tout en pleins et déliés qui rend ce duo très attachant.

Galerie photo © Laurent Philippe

Enfin, Belsan, trio de Misan Miso Samara est au sens propre comme figuré une déflagration. Seule création conçue après le 7 octobre 2023, cette première mondiale au Théâtre de la Ville en porte pourtant la marque. Les déplacements latéraux sur jambes pliées, les uns collés aux autres, le silence tandis que les danseuses et le danseur évoluent de dos, les enchevêtrements de corps tandis que vrombit une sorte de bruit industriel, peut-être d’explosion.

Galerie photo © Laurent Philippe

Les interprètes toujours en file semblent dessiner des frises tandis que leurs bras montent vers le ciel, sans jamais quitter une sorte de pulsation, de contraction violente qui part du bassin comme dans la technique Graham. Les mouvements se font de plus en plus mécaniques et désespérés tandis que l’on entend « Nos Escape from this Fate ». Tout à fait poignante, cette pièce qui clôt le programme est d’une intensité rare et prédit à la chorégraphe un bel avenir devant elle.

Agnès Izrine

Le 16 janvier 2024, Coupole du Théâtre de la Ville.

Distribution :

Eleutheromania : Chorégraphie & interprétation : Misan Miso Samara. Musique : Shaher Khanfar. Costumes : Yalta Zion.

Look down :  Chorégraphie & interprétation : Naya Binghi. Costumes : Yalta Tzion. Musique : Tangos del Chavico – Estrella Morente

Breeze Through the Soul. Chorégraphie : Lal’el Pillora. Dramaturgie : Rachel Erdos. Avec : Gilly Geva, Lal’el Pillora

Alqarib. Chorégraphie : Misan Miso Samara. Musique : Ohad Fishof. Costumes : Yalta Zion. Avec : Naftaly Bar-Yosef, Misan Miso Samara.

Arba. Chorégraphie : Ophir Kunesch. Costumes : Maya Navot, Ophir Kunesch. Avec : Maya Navot, Ophir Kunesch.

Anemoia. Musique : Claude Debussy. Chorégraphie & interprétation : Lal’el Pillora

Belsen : Chorégraphie : Misan Miso Samara. Avec : Deama Zahran, Naftaly Bar-Josef, Misan Miso Samara.

 
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