« La Rue Princesse » au Tarmac
Les chorégraphes Jenny Mezile et Massidi Adiatou recréent l’ambiance du célèbre quartier festif d’Abidjan
C’est un de ces spectacles qui se terminent par une java commune sur le plateau, où le public se mêle joyeusement aux interprètes. Mieux, une bonne vingtaine de spectateurs s’installe de part et d’autre de la piste. Car La Rue Princesse de Massadi Adiatou et Jenny Mezile nous suggère une virée sur la célèbre rue Princesse d’Abidjan, où les clubs rivalisent pour attirer les fêtards. Et ceux-ci, sur la piste de danse, s’affrontent en rivalisant encore plus. Ceci dit, la scène obligatoire de la bagarre arrive bien plus tard qu’on ne l’attend...
Dans l’ensemble, ce spectacle est un joli feu d’artifice de folies acrobatiques, mimiques et vestimentaires, truffé d’effets comiques et d’exploits physiques. Ce qui est vrai surtout pour la seconde partie, quand les danses se font plus théâtrales que chorales. Au début on croit plutôt voir une version moderne des troupes de danse plutôt traditionnelles, avec leurs spectacles qui donnent une vision un brin folklorique de l’Afrique. Mais nous sommes en boîte, et le Coupé Décalé est roi…
C’est chaud, le DJ et la sono sont excellents, les musiques aussi bien choisi que les prouesses. Elles nourrissent ce tourbillon qui devient parfois un concours, comme si nous étions dans un ballroom de la scène voguing. Les deux femmes et les cinq hommes arborent des morphologies et des personnalités très marquantes et jouent avec le changement d’identité, parfois jusqu’à nous renvoyer à Genet, avec Le Balcon, et on comprend à quelle ambiance a songé Robert Wilson quand il a placé Les Nègres de Genet dans un de ces « maquis » (boîte de nuit à ciel ouvert). Sauf que Wilson est passé à côté du feeling. A quel point, c’est ce qu’on découvre ici.
Ceux qui font chauffer La Rue Princesse montrent qu’ils savent exactement pourquoi ils se rendent rue Princesse. La vidéo nous balade dans la rue, les danseurs atterrissent et s’envolent sur cette piste qui est la rue même. Cette rue ayant été balayée par les bulldozers pour assécher un nid de jouissances nocturnes, le parti pris du spectacle est de rendre hommage à ce quartier emblématique. Faut-il y voir une note de protestation? La compagnie N’Soleh mise avant tout sur le plaisir des spectateurs, et les interprètes comptent s’amuser tout autant. Aucune prise de tête, c’est juste impressionnant et jubilatoire.
Thomas Hahn
Le Tarmac, du 28 au 29 mai 2015
Chorégraphie, scénographie Massidi Adiatou, Jenny Mezile
avec Mariama Adiatou, Bi Boa Jean-Marie Boli, Gnahoua Christ Junior Dogbolé, Fernand Irié, Athanase N'Guessan Koffi, Joulkanaya Kiebre, Bouhouo Sylvain Tahi, Jean Luc Stéphane Tehe, Hamed Traoré
dj Koudous Ayanyemi Adiatou
créateur et régisseur lumière Samuel Bapes
répétiteurs et assistants Fernand Irié, Bi Boa Jean-Marie Boli
musique populaire ivoirienne, univers sonores Massidi, Ayan Adiatou
costumes Hervé Nianzou, Bob Weer
accessoires Charles Glazai
coordinateur Kouamé Charles Bohui
artiste multimédia Ishola Akpo
collaboration artistique Eva Doumbia
remerciements à Marielle Pinsard
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