« La poésie kinesthésique » de Valérie Castan
Danses non humaines est l’un des deux spectacles choisis par la Maison de la Danse dans le cadre de sa politique d’inclusivité en direction des personnes en situation de handicap visuel. Danser Canal Historique a rencontré Valérie Castan, spécialisée dans l’audiodescription de spectacles chorégraphiques.
DCH : Vous avez déjà décrit plus de trente spectacles chorégraphiques. Comment travaillez-vous ?
Valérie Castan : Quand ce n’est pas une création, je commence par aller voir la pièce, pour appréhender les lumières, le son, les sensations, ce que la pièce nous fait, car je cherche avant tout à stimuler l’empathie kinesthésique du spectateur. Ensuite je travaille avec la captation du spectacle, sur un double écran, où je décris et j’écris en faisant un va-et-vient permanent pour trouver le bon rythme. Il y a toujours des allers-retours entre le mot lu et le mot écrit. Parce que le mot est souvent plus long à dire que le geste à faire. Je décris et j’oralise aussi. Et je travaille très souvent avec un ou une audiorelectrice.
DCH : Pourquoi avoir choisi ce spectacle ?
Valérie Castan : Il m’a semblé pouvoir donner accès à différentes techniques et pratiques de danse et à l’histoire de la danse. Ça parle de danse baroque, de danse classique, d’Isadora Duncan, de Pina Bausch et de chorégraphes très contemporains comme Xavier Le Roy et Sergiu Matis. Cela dresse une sorte de portrait qui pourrait susciter de la curiosité de la part du public de danse. Nous avons mené avec Chiara Gallerani (interprète et assistante du chorégraphe, ndlr) cinq ateliers avec des non-voyants et mal-voyants, dans lesquels nous avons abordé la danse baroque, la danse classique, tous les éléments qui sont dans la pièce, d’un point de vue presque historique pour donner des clés d’accès. Nous avons également travaillé depuis l’audiodescription pour voir ce qui se passe à l’écoute de la description de danse. Toute la difficulté est de faire comprendre qu’on ne va pas seulement décrire des éléments visuels mais un corps en mouvement. Et il faut que la description induise une empathie kinesthésique pour celui ou celle qui écoute. J’appelle cela assez pompeusement (rires) la poésie kinesthésique.
DCH : Comment avez-vous procédé pour « oraliser » Danses non humaines ?
Valérie Castan : J’essaie de répondre à chaque commande de façon singulière. Pour cette pièce-là, c’est complètement relié à la conférence et ce que j’ai besoin de décrire pour que les personnes comprennent les enjeux dramaturgiques. À savoir quelles sont les stratégies des chorégraphes pour représenter quelque chose de non humain ? Puis de décrire la danse elle-même parce que certains extraits sont très dansés et très différents. La technique et le style changent à chaque extrait. C’est ce qui a fait l’une des difficultés de cet exercice. Pour chaque extrait, j’ai mis en place une stratégie de description !
Propos recueillis par Gallia Valette-Pilenko
Danses non humaines, 10 et 11 décembre à la Maison de la Danse de Lyon, le 11 en audiodescription. Conférence d’Estelle Zhong Mengual le 9 décembre, restitutions de travaux d’étudiants et étudiantes autour d’Isadora Duncan, 10 et 11 décembre à 18h30.
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