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« La Bête et la Belle » par le Ballet du Capitole,

Lorsqu’il était encore danseur à l’Opéra de Paris, Kader Belarbi avait marqué de sa forte personnalité plusieurs rôles de monstres, dont le  Quasimodo et le Loup des ballets de Roland Petit. Des rôles, dit-il, qui lui ont fait « comprendre  ce que pouvaient ressentir ces êtres mis à part, rejetés ».

Devenu directeur artistique du Ballet du Capitole, il reprend pour la compagnie toulousaine une pièce qu’il avait chorégraphiée pour les Grands Ballets canadiens en 2005 : La Bête et la Belle, soit les amours contre nature d’une jeune fille et d’une créature mi-homme mi-animal. Belarbi a lu le conte de madame Leprince de Beaumont avec les lunettes de la psychanalyse, dans le sillage d’un Bettelheim et d’un Cyrulnik.

Sa Belle, presque une enfant, joue avec ses peluches quand se lève le rideau. Nouvelle Alice au pays des merveilles qui aurait vu Narnia, elle entre dans la quatrième dimension d’une armoire magique qui lui ouvre le royaume de ses rêves et de ses cauchemars. Ce monde, peuplé de créatures étranges, est gouverné par un être aussi repoussant qu’attirant. La Belle saura lire dans le cœur du mal-aimé et finira par le chérir… ce qui, dans la version Belarbi, ne le sauve pas pour autant. La Bête est tuée au terme d’une chasse à courre qui constitue le second acte du ballet.

Photos : David Herrero

Claire parabole sur « l’humanité » des animaux et la « bestialité » des hommes, la Bête et la Belle de Belarbi mélange des registres incompatibles, sans vraiment choisir entre académisme et audaces. Les êtres fantastiques qui surgissent de l’armoire ont des allures inquiétantes d’autruches aux bras longs comme des cous et d’ânes mis devant derrière, la queue accrochée au ventre. Un vautour porte une blessure ouverte dans le dos comme un sexe de femme, et un cygne-homme d’un blanc virginal est promené sur une peau poilue par un yéti ! Les signes sexuels envahissent les costumes que Valérie Berman a conçus pour le premier acte, jusqu’à l’impudicité, voire le second degré avec le personnage du « toroador », sorte d’Elvis Presley arborant une coquille couverte de paillettes. L’acte onirique, qui s’achève sur une bacchanale confuse, et l’acte de la chasse à courre sont ponctués de quelques rares moments de duo entre les protagonistes et de solos de la Bête.

Mais où est la monstruosité de ce personnage ? Lors de la première du spectacle, Takafumi Watanabe tenait le rôle, et son physique adolescent accentuait l’élégance de la danse que lui a réservée Belarbi. Certes, sauts en contraction et mains crispées traduisent ses douleurs morales, mais ses belles arabesques et l’impeccable complet veston dont il est vêtu le rendent beaucoup plus séduisant qu’affreux.

Photos : David Herrero

Il apparaît surtout comme un être solitaire qui traverse le ballet telle une âme en peine. Contrairement à ce que le titre de l’ouvrage pourrait laisser attendre, la psychologie des personnages principaux, leur relation difficile, ne sont pas au fondement de l’ouvrage. Leur histoire d’amour est sacrifiée aux évolutions drolatiques des figures secondaires dans de multiples scènes de divertissement. La pièce se referme comme elle s’était ouverte. A ce détail près : dans l’armoire refermée la jeune fille n’a pas rangé ses peluches… mais le cadavre de la Bête. Décidément oui, dans La Bête et la Belle, le monstrueux reste refoulé.

Dominique Crébassol

Le 26 novembre, Festival de Danse de Cannes, Palais des Festivals, Grand Auditorium

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