« Kreatur » de Sasha Waltz
Ouverture du festival Art Danse : Kreatur, Une pièce déroutante et envoutante pour la première fois en France.
A l’occasion des 25 ans de sa compagnie, Sasha Waltz revient aux origines de son travail artistique en s’associant pour Kreatur, créée à Berlin le 9 juin 2017, avec la créatrice de mode néerlandaise Iris van Herpen et les musiciens du trio Soundwalk Collective.
Cette pièce fut présentée pour la première fois en France dans le cadre de la 30ème édition Festival Art Danse à l’auditorium de l’Opéra de Dijon qui en est aussi le coproducteur.
Six danseuses quasiment nues sous un voile blanc qui ressemble à des plumes ou à de la mousse explorent les lieux en se mouvant comme des robots avec des gestes désarticulés. Ou alors sont-elles des oiseaux, des cygnes ou des mannequins de cire qui tentent de se déplacer ? L’image est somptueuse. Un duo s’ensuit entre une femme portée dans tous les sens par un homme. Elle s’agite, il la rattrape avec une rare maitrise, la soulève encore et, si fragile et si légère, elle reste accrochée à ce corps comme un petit insecte aux mouvements indisciplinés.
Juste vêtus de slips de teinte chair, les treize danseurs poursuivent leurs déambulations comme des êtres primitifs, disloqués, ébranlés par la vie. Sommes-nous sur notre terre dévastée ou sur un autre monde qui est à l’aube de sa naissance ? Tout est envisageable du fait que ces êtres ne communiquent pas, ne se regardent pas, n’échangent rien. Ils tentent de survivre et de découvrir cet espace dans une immense solitude.
Cette société ébranlée ne possède aucun chef pour dominer et gérer la petite communauté. Chacun est libre, fragile, isolé mais aussi joueur. Joueur grâce à des plaques de plastique utilisées pour les miroirs sans tain qui décomposent les personnages en corrélation avec un jeu de lumière savamment étudié par Urs Schönebaum. Des doubles têtes, des hommes et des femmes qui s’entremêlent sans aucune logique, prouvent à quel point cette collectivité peut engendrer des monstres.
Recouverts d’autres costumes transparents aux lignes noires, ces êtres semblent craquer tout comme la musique du trio Soundwalk Collective. Tout le talent de la chorégraphe se révèle dans une esthétique, une grâce et une harmonie subtiles et ingénieuses.
Des phrases surviennent du groupe : « Commençons la révolution contre les frontières géographiques. La vie est fantastique alors pourquoi ? »
Une femme recouverte d’une carapace de piquants comme un hérisson apparait et engendre des craintes, des frayeurs et de la violence au sein du groupe. Et d’un seul coup, elle ôte cet apparat qu’elle dispose au sol et qui prend la forme d’une table très contemporaine. L’image est étonnante.
Après ces cris et ces peurs, ces mi-insectes, mi-hommes et mi-robots qui continuent à se mouvoir de façon primitive sans pour autant en négliger une certaine grâce, s’accouplent avec une puissance et une violence inhumaine. Ces corps à corps en quête de jouissance ne sont que l’illustration de la vie, qu’elle soit bestiale ou non.
Dernière image avec une femme encerclée par le film de plastique éclairée en douche par un projecteur. Elle est peut-être l’élue, la reine, celle qui va sauver ce monde désenchanté, lui faire découvrir l’amitié, la tendresse, l’amour et l’existence en communauté tout en préservant la liberté et la paix des Hommes en brisant les frontières.
Magnifique, envoutante, déroutante mais aussi très froide, cette création a ouvert la 30ème édition du Festival Art Danse de Dijon dirigé par Jérôme Franc qui propose, jusqu’au 9 février et dans différentes salles de la ville et de la région, une vingtaine de compagnies.
Sophie Lesort
Spectacle vu à l’Opéra de Dijon le 11 janvier 2017
Le festival Art Danse de Dijon, Bourgogne, Franche-Comté jusqu’au 9 février.
Réservation par téléphone et par mail : 07 78 63 44 15 /
Kreatur : Direction de la chorégraphie Sasha Waltz en collaboration avec les danseurs
Interprétation et chorégraphie : Liza Alpízar Aguilar, Jirí Bartovanec, Davide Camplani, Clémentine Deluy, Claudia de Serpa Soares, Peggy Grelat-Dupont, Hwanhee Hwang, Annapaola Leso, Nicola Mascia, Thusnelda Mercy, Virgis Puodziunas, Zaratiana Randrianantenaina, Corey Scott-Gilbert, Yael Schnell
Création costumes : Iris Van Herpen
Musique : Soundwalk Collective
Création lumières : Urs Schönebaum
Directeur de répétitions : Davide Di Pretoro
Dramaturgie : Jochen Sandig
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