« Juste au corps, Salomé » d'Andrea Sitter
Créée à Tours d'Horizons, Juste au corps, Salomé est une pièce irrévérencieuse d’Andrea Sitter qui l’interprète et en signe la conception et la chorégraphie. À voir à Micadanses dans le cadre du festival Bien Fait le 18 septembre prochain.
« Pour décrire et donner une sensation et quelques informations sur mon nouveau solo, je pourrais évoquer la forme d’un grand triangle. La ligne de base : la danseuse, cabarettiste et écrivaine Valeska Gert. La ligne de gauche : la légendaire Salomé. La ligne de droite : la philosophe et théoricienne Hannah Arendt » explique la danseuse. Au milieu de ce triangle, trois citations prennent la lumière : « Nous ! Les Sorcières ! » / « Je veux la tête de Jochanaan ! » / « Je n’adhère pas ! I don’t fit ! ».
Tout le corps et le visage recouverts d’un justaucorps jaune légèrement transparent, la danseuse apparait perchée sur un escarpin à très haut talon et sur un chausson de pointe. Cet équilibre étonnant, certainement très difficile à maintenir, crée déjà une certaine ambigüité des personnages qu’elle désire dessiner. Ceci d’autant plus qu’au bas de sa taille, pend un objet mou qui ressemble très nettement à un sexe d’homme.
Par le biais des trois angles d’approche afin de bien analyser qui était Salomé, une princesse juive du 1er siècle, fille d’Hérodiade et d’Hérode, Andrea Sitter décrit tout le long de sa pièce cette tentatrice sensuelle qui a inspiré bon nombre d’illustres peintres et d’auteurs pour finalement devenir un mythe littéraire.
De l’antisémitisme à l’histoire de l’abominable, de la cruauté extrême à la nymphomanie, la magnifique danseuse ose tout afin de traiter ces monstruosités. Elle ose même créer un double de Salomé par le biais d’une vidéo qui complète le personnage en plusieurs épisodes. Ceci lui permet de l’insulter « salope de danseuse stripteaseuse, nymphomane, courtisane, sulfureuse, pipeuse, profiteuse, allumeuse, faussaire faussée, infecte insecte ». Et entendre cette femme si distinguée, si fine et si belle employer de tels termes aussi crus avec tant d’autorité, est un pur plaisir. Et elle ne s’arrête pas là, tout d’un coup, alors qu’elle parlait à un âne, elle pose la question au public : « qu’est ce qui fait le plus mal au cul de la poule ? » Comme bien entendu personne ne répond, elle réitère sa phrase, puis s’approche d’un spectateur du premier rang et lui donne la solution : « quand elle passe du coq à l’âne ! » Hurlement de rire de la salle, car Andrea peut tout se permettre, même énoncer une grossièreté sans jamais paraître vulgaire. Ces instants d’humour sont salvateurs.
Dans la vidéo, on la voit porter des pierres, être recouverte en douceur d’une peinture jaune qui fait songer à du sperme, se filmer nue et aussi provoquer des gros plans qui parachèvent l’intrigue.
Andrea Sitter pousse au maximum tous les paramètres de la transgression et termine son solo nue sous une magnifique robe transparente.
Arrogante, insolente, inconvenante, spirituelle, délicieuse, puissante, violente… la danseuse aux bases classiques invente un style très personnel du mouvement tout en abordant par le verbe des thèmes sur les monstruosités de l’Homme.
Juste au corps, Salomé est une création extrêmement bien interprétée et bien pensée. Un bijou fracassant, audacieux et éblouissant.
Sophie Lesort
Spectacle vu à Tours d’Horizons le 8 juin 2019
A voir à Micadanses au studio MayB le 18 septembre 2020 à 20h
Juste au corps, Salomé
chorégraphie, conception texte et interprétation : Andrea Sitter.
Lumière : Flore Dupont
Costumes : Andrea Sitter et Michel Ronveaux
Voix off : Ivan Mérat-Barboff
En tournée : à Poitiers, le 18 janvier 2020 ; La Rochelle (janvier 2020), au Vélo Théâtre, à Apt (février 2020),
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