June Events : « Olinity » de Kat Válastur
L’or noir est un liquide miraculeux, facétieux et même dangereux. Extrait du sol, stocké et transporté à travers les frontières, il déclenche des guerres économiques et militaires. Transformé en carburant, il est un produit explosif. Solidifié en polymères, il pollue paysages et océans. En gros, il nous est indispensable au quotidien et nous pensons faire du pétrole ce que nous décidons. Mais c’est lui qui nous malmène, et surtout nos enfants.
Kat Válastur, chorégraphe d’origine grecque travaillant à Berlin, tente de couler ce genre de réflexions dans une formule chorégraphique. Dans cette alchimie gestuelle se reflètent les efforts du travail nécessaire, les machines qui marchent grâce au pétrole, les opérations militaires qu’il déclenche, les tensions politiques, les consistances matérielles de ce produit des profondeurs qui parfois remonte à la surface.
Le résultat est une danse fortement armée, glaireuse, indigeste. Non didactique, mais impénétrable. Les danseurs portent des sortes de treillis, dont le dessin est sous-tendu par la représentation de la molécule du benzène.
Mais comment la danse pourrait-elle jouer le rôle de lanceur d’alerte sans devenir didactique, tout en restant lisible ? Válastur a le mérite de renoncer à toutes sortes de textes ou projections. Seulement, sous la forme choisie, cela signe aussi son impuissance face à la géopolitique.
Ce combat perdu d’avance serait un combat gagné pour la danse si Oilinity réussissait la quadrature du cercle, à savoir son désencerclement d’entre le vouloir-dire et le vouloir-danser. Mais pour transformer le brut thématique en carburant artistique, il lui manque une bonne part du craquage ou autres unités de raffinage.
Aussi l’énergie contenue dans l’or noir peine à se transformer en force motrice et chorégraphique. C’est d’autant plus évident qu’à la fin, les danseurs dévoilent, entre autres, un vase contenant du liquide noir, aussi visqueux et paradoxalement inodore que cette danse.
Thomas Hahn
Spectacle présenté à l’Atelier de Paris, dans le cadre de June Events, le 7 juin 2016
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