Immersion Danse à Vélizy-Villacoublay
L’Onde fête ses 20 ans et propose la 7e édition de son temps fort.
Avec un peu plus de 20.000 habitants, la ville de Vélizy-Villacoublay n’en compte à peine plus que les plus petits des arrondissements parisiens. Mais en matière de danse, elle en dépasse les plus peuplés, surtout au moment où L’Onde propose Immersion Danse, événement très international qui fait rentrer le vaste monde par le portail du théâtre. L’édition 2022 accueille, en l’espace de dix jours, le Brésil, la Grèce, les Pays-Bas, Israël, la France et une histoire d’immigration qui fait le tour du globe.
La Brésilienne Alice Ripoll agite seaux, savon et eau sur une bâche bleue, comme pour évacuer la misère par la danse, la joie et l’exubérance… Mais son Lavagem (lavage) nous renvoie aussi au blanchiment d’argent, à la précarité et l’instabilité, voire au lavage de cerveau. On lave et on danse, dans le concret comme au figuré. Les interprètes de ce rite métaphorique sont eux-mêmes issus des quartiers défavorisés et mettent en scène la lutte au quotidien et l’aspiration à la beauté et al poésie.
Chorégraphes expatriées
Le lien est vite fait avec An Immigrant’s Story de Wanjiru Kamuyu qui, dans son lien direct au réel, regorge d’histoires et de témoignages de personnes ayant changé de ville, de pays, de continent et surtout de contexte culturel. Dont celle de la chorégraphe en personne, originaire du Kenya, citoyenne américaine et aujourd’hui Parisienne. Certes, ce type de parcours déstabilise. Mais il offre en même temps l’espoir de renouveau, et Kamuyu nous parle avec humour des deux facettes. Le public, lui, peut envoyer son propre récit qui sera mis en ligne sur internet.
La danse est une bonne raison de changer de pays. Alexandra Bachzetsis, la Grecque établie en Suisse, mélange le Rebetiko très vintage de son pays d’origine à une sensualité contemporaine subversive pour remettre en cause les stéréotypes de genres par une surexposition provocatrice. Cette envie d’extrêmes en appelle une autre, et c’est dans la foulée (formule 1 soirée/2 spectacles, même si on sera un dimanche après-midi et que le public parisien pourra profiter d’une navette partant de Concorde) qu’Immersion Danse accueille l’univers de Sharon Eyal, tout aussi radical. Mais l’Israélienne cultive un style de danse unisexe qui soumet femmes et hommes aux mêmes tensions et excitations. Si l’émotion y passe par le corps, les rythmes sont avant tout l’expression de frémissements émotionnels partagés entre humains. On y pense moins séduction dans l’entre-soi que séduction du public en faisant corps. Ensemble.
Ann Van den Broek et Régine Chopinot : Nouveaux départs
Chez Ann Van den Broek on arrive à ce point de culmination, de joie, de légèreté et d’optimisme que les autres, de Ripoll à Eyal, convoitent au lointain. Joy Enjoy Joy est une œuvre festive autour du bien-être et en même temps une composition scénique faite de corps, d’images et de textes. On s’y demande plutôt jusqu’où la fête peut nous amener et quelles sont ses limites. Et si on sent une Sharon Eyal se rapprocher pièce par pièce de cette libération, le chemin parcouru par Van den Broek est précurseur. Car la Flamande partait elle aussi de sensations plus violentes et noires, avec une danse revendiquant l’étiquette de « minimalisme émotionnel ». Elle semble ici arriver à un état plutôt maximaliste…(Lire notre critique)
La danse française n’est bien sûr pas absente, et on la retrouve grâce à l’une de ses protagonistes. Car voilà que revient sur le devant de la scène : Régine Chopinot ! Elle donne le « top » d’un nouveau départ et c’est précisément ainsi qu’elle appelle cette nouvelle pièce pour sept danseurs et deux musiciens (guitare et batterie). Top, c’est top pour « pour lever une tempête de sensations brutes », comme ils disent à L’Onde. De la danse pure et pleine d’énergie donc, avec un petit penchant tribal, ce qui répondra à merveille aux histoires d’immigration de Wanjiru Kamuyu, au cours d’une soirée partagée.
De son côté, Ann Van den Broek trouve elle aussi son répondant, car elle partage sa soirée avec Lotus Eddé Khouri et Christophe Macé. Le duo enrichit sa série Structure-Couple de deux nouveaux épisodes, Boomerang et Believe. Les deux opus partent, comme les précédents, d’une œuvre musicale pour se mettre à l’épreuve d’un défi physique. Dans Boomerang, ils montent sur des socques de bois instables et tentent de ne pas sombrer face au Boomerang de Serge Gainsbourg. Et dans Believe, le chant vient de Purcell, dans une réinterprétation historique (mais pas historisante) par Klaus Nomi, où se croisent abîme et exaltation.
Thomas Hahn
Festival Immersion Danse
L'Onde de Vélizy-Villacoublay
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